La vape, un outil non négligeable de sevrage

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Publié le 27/03/2024
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La cigarette électronique s’est montrée plus efficace que les gommes autant que la varénicline chez de jeunes Chinois.

Crédit photo : Paul Chinn/AP/SIPA

Voilà plus de 20 ans que les cigarettes électroniques font l’objet de nombreux débats. D’un côté, on peut supposer qu’elles représentent une alternative moins toxique que les cigarettes combustibles, et pourraient de ce fait être bénéfiques en termes de santé publique ; de l’autre, les cigarettes électroniques sont associées à un surrisque de commencer à fumer chez les non-fumeurs ; enfin, les données sur leur efficacité sur le sevrage restent très controversées, les diverses méta-analyses donnant des résultats divergents, avec une efficacité allant de nulle à modérée.

Aujourd’hui, une étude randomisée chinoise relance le débat (1). Dans cet essai comparant cigarettes électroniques, gommes nicotiniques et varénicline dans le sevrage, les cigarettes électroniques se sont montrées plus efficaces que les gommes et tout autant que la varénicline. C’est d’ailleurs la première étude à comparer cigarettes électroniques et varénicline. On a toutefois, dans cette population jeune, des taux de sevrages assez limités, puisqu’on est autour de 9 % pour les gommes et de 15 % pour cigarettes électroniques et varénicline à six mois. Et beaucoup d’ex-fumeurs passés vapoteurs.

Une étude randomisée multicentrique chez des fumeurs de 35-45 ans

Cette étude menée sur sept sites en Chine porte sur des fumeurs consommant au moins dix cigarettes par jour depuis au moins cinq ans, présentant un taux de CO expiré d’au moins 9 ppm, âgés de 25 à 45 ans et désirant s’arrêter, sans avoir jamais utilisé aucun des moyens testés dans l’essai. Au total, plus de 1 000 participants ont été recrutés.

Ils ont 34 ans d’âge moyen et un tiers sont des femmes. Leur consommation moyenne est de 16 cigarettes/jour. La randomisation a été stratifiée sur le site d’inclusion en trois bras :

- cigarettes électroniques (solution à 30 mg/ml de nicotine durant deux semaines puis à 50 mg/ml ensuite) ;

- varénicline (VO, 0,5 mg/j pour trois jours, puis 0,5 mg x2/j sur quatre jours puis 1 mg x2/j ensuite) ;

- gommes nicotiniques (à 2 mg pour des fumeurs à moins de 20 cigarettes/j, à 4 mg au-delà).

Tous ces substituts ont été délivrés pour trois mois et associés à des conseils comportementaux minimums, plus une invitation à suivre un forum d’entraide et de soutien sur internet. Après ces trois mois, les participants étaient invités à se les procurer par eux-mêmes.

L’arrêt total du tabac devait en théorie intervenir dans les deux semaines après le début du sevrage.

Les participants ont été suivis tous les mois durant six mois (avec mesure du CO expiré). Le critère principal est l’abstinence continue à six mois contrôlée par la mesure du CO expiré (taux inférieurs à 8 ppm à chaque contrôle). Le critère secondaire est l’abstinence les sept jours précédents, à six mois. Les perdus de vue sont considérés comme non sevrés.

Autant de sevrés que sous varénicline, plus que sous gomme à six mois

À six mois, autour de 20 % ont été perdus de vue ; ce taux est homogène dans les trois bras.

Le taux d’abstinence continue est alors respectivement de 15,7 % sous cigarettes électroniques, 14,2 % sous varénicline et 8,8 % sous gommes nicotiniques. Le taux observé dans le bras cigarettes électroniques est non inférieur à celui observé dans le bras varénicline (-1,47 [-1,41 ; 4,34] %), mais il est supérieur à celui observé sous gommes nicotiniques (RR = 1,92 ; [1,1-3,2] ; p = 0,001).

Toujours à six mois, le taux d’abstinence durant les sept jours précédents est respectivement de 30 % pour les cigarettes électroniques, 28 % pour la varénicline et 18 % pour les gommes nicotiniques. À nouveau sur ce critère, le taux observé dans le bras cigarettes électroniques est non-inférieur à celui observé dans le bras varénicline, quand il est supérieur à celui observé sous gommes nicotiniques (RR = 2,2 [1,3-3,2] ; p < 0,001).

L’adhésion aux traitements était la même durant les trois premiers mois. Mais, à six mois alors que plus aucun patient n’utilise ni les gommes ni la varénicline, les deux tiers des participants du bras cigarettes électroniques continuent à vapoter.

Problématique de l’adhésion aux cigarettes électroniques

« Dans cette étude les cigarettes électroniques se sont avérées aussi efficaces que la varénicline sur le sevrage et plus que les gommes, résument les auteurs. Néanmoins, comme dans de nombreuses autres études, davantage de sujets sevrés continuent à vapoter, quand les utilisateurs d’autres méthodes tendent à cesser.

« Ce qui pose la question du rapport bénéfice/risque relatif des cigarettes électroniques, qui peuvent elles-mêmes poser des problèmes de santé à long terme, nuance l’éditorial accompagnant cette publication (2). Ce qui n’est pas le cas avec la varénicline ».

(1) Hao-Xiang Lin et al. Efficacy of electronic cigarettes vs varénicline and nicotine chewing gum as an aid to stop smoking : a randomized clinical Trial. JAMA Intern Med. 2024 Mar 1 ;184(3):291-299

(2) Emily Harris. Electronic cigarettes may be better than nicotine gum for quitting smoking. JAMA 2024 Mar 5;331(9):725

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr