Lutte antituberculeuse

Le pilotage au point mort

Publié le 26/01/2012
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Crédit photo : CDC

LE Pr ÉLISABETH BOUVET est l’une des trois experts auprès du ministère de la Santé responsables des groupes de travail sur la tuberculose qui ont rendu leur rapport fin 2009 à la Direction générale de la Santé, à l’issue de deux ans de travaux dans le cadre du programme national de lutte 2007-2009 contre la maladie. Le groupe qu’elle animait a défini les axes nécessaires au maintien de la baisse de l’incidence, à tous les niveaux, surveillance, organisation, études, etc. Parmi ses propositions, celle de mettre en place et conserver un groupe pérenne de vigilance sur l’évolution du programme de lutte antituberculeuse (LAT).

D’autres propositions, comme celle d’un guide de recommandations de prise en charge de la maladie, à destination des médecins mais aussi des structures de prévention, etc., avec mise à jour tous les cinq ans, sont restées vaines. « Personne ne pilote plus la LAT en France », constate le Pr Bouvet. Alors que les délais de diagnostic et de traitement approprié de la tuberculose maladie, facteurs des plus importants dans la LAT, sont trop longs, surtout en médecine générale (1). Il faut compter en moyenne 97 jours depuis les premiers symptômes pour un diagnostic et 48 jours pour un traitement adapté, la tendance des médecins traitants étant le recours à deux cycles d’une antibiothérapie empirique avant la demande de radiographie.

« N’attendons pas que la LAT devienne une urgence pour renforcer son pilotage et sa mise en œuvre », insiste le Pr Bouvet. Les praticiens et le système de santé en général manquent de directives claires pour la tuberculose. Si la France reste un pays de faible endémie, avec une incidence de 8,2/105 en 2009 (2) et un taux de multirésistance faible (proche de 1 %), cette situation favorable cache des disparités. L’incidence est élevée chez certains migrants (› 100/100 000 pour ceux nés en Afrique subsaharienne), et la plupart des multirésistances, voire ultrarésistances, sont importées de l’Est. De plus, le nombre de cas augmente chez les personnes âgées autochtones à partir de 70 ans, avec 16,5 cas/100 000 en 2009 chez les 75 ans et plus (3), ce qui commence à préoccuper les gériatres.

La seule avancée positive récente a été réalisée par le Haut Comité de la santé publique (HCSP), saisi en 2008 par l’ex-directeur général de la santé Didier Houssin afin d’élaborer des recommandations pratiques d’utilisation des tests de détection de la production d’interféron gamma (tests IGRA). Il a rendu son avis le 1er juillet 2011 accompagné de préconisations de dépistage de l’infection tuberculeuse latente et de la tuberculose maladie dans la population à risque. Le rapport du groupe de travail de la Commission maladies transmissibles du HCSP, dont faisait partie le Pr Bouvet, a été rendu public simultanément*.

D’après un entretien avec le Pr Elisabeth Bouvet, hôpital Bichat, Paris.

(1) Bouvet E et coll. Publication en cours dans The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease.

(2) J. Foni et coll. Les cas de tuberculose déclarés en France en 2009. Bulletin épidémiologique hebdomadaire n°22. InVS – juin 2011.

(3) Épidémiologie de la tuberculose en France en 2010. Présentation de J. Figoni, InVS. Journée d’information sur la lutte antituberculeuse en France organisée par la DGS, l’InVS et le CNR-MyRMA. 23 mars 2011.

* Avis et rapport sont disponibles sur le site du HSCP, à l’adresse suivante : http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?ae=avisrapportsdomai….

DOMINIQUE MONNIER

Source : Bilan spécialistes