Un préalable au traitement personnalisé

L’indispensable caractérisation des asthmes

Par
Publié le 05/05/2020
Article réservé aux abonnés
L’arsenal thérapeutique dans l’asthme s’élargit, ouvrant la voie à un traitement de plus en plus personnalisé. De nombreuses questions restent toutefois en suspens, et il apparaît essentiel de mieux caractériser les maladies.

Crédit photo : Phanie

Une bonne caractérisation des allergies est nécessaire

Une bonne caractérisation des allergies est nécessaire
Crédit photo : phanie

L’hétérogénéité des maladies respiratoires, en particulier de l’asthme, est un concept assez récent. « Dans l’asthme sévère, nous avons aujourd’hui à notre disposition une biothérapie dans l’asthme allergique, deux dans l’asthme éosinophilique, en attendant une troisième, le dupilumab, d’ici la fin de l’année », rapporte la Pr Camille Taillé (hôpital Bichat, Paris). Il semble ainsi en théorie assez facile de personnaliser le traitement, mais de nombreuses questions restent encore sans réponse. Il y a par exemple un chevauchement entre asthme allergique et éosinophile, et il importe de bien évaluer le poids de l’allergie dans la clinique. Il faut avoir une bonne caractérisation des allergies, respiratoires, alimentaires pour pouvoir définir la meilleure stratégie thérapeutique. En ce qui concerne l’éosinophilie, une seule numération normale ne suffit pas à éliminer le diagnostic d’asthme éosinophile. Il semble ainsi logique de répéter les dosages pour démasquer une éosinophilie mais on ne sait pas si la récurrence de l’éosinophilie a un impact sur la réponse thérapeutique.

Répondre à toutes ces questions est l’un des objectifs de la cohorte nationale française Ramses, lancée par la Société de pneumologie de langue française en septembre 2019 (1). Quelques 43 centres y participent. « On a prévu d’inclure 2 000 patients sur cinq ans, 480 le sont déjà, se félicite la Pr Taillé qui coordonne ce projet à l’hôpital Bichat. La stratégie thérapeutique se complexifie avec l’augmentation du nombre de médicaments. Il faut donc discuter les dossiers et prendre une décision de façon collégiale, dans le cadre d’une réunion de concertation asthme, qui peut être plus ou moins formalisée. Cela peut tout à fait se faire au sein du staff hospitalier, l’essentiel étant de ne pas prescrire seul, car l’intelligence collective est ce qui se fait de mieux ».

Corticothérapie en continu ou à la demande

La personnalisation de la prise en charge ne concerne pas que les biothérapies dans les formes sévères, mais aussi plus largement la corticothérapie, notamment dans l’asthme léger, avec aujourd’hui le choix entre traitement continu et à la demande. Un traitement fixe serait plus adapté aux patients ayant une inflammation bronchique marquée, ou à la fonction respiratoire altérée. Il s’agit là d’éléments de réflexion mais la décision d’une stratégie se fait le plus souvent après discussion avec le patient. Ce dernier préfère toutefois souvent le traitement que son médecin lui a donné, comme le suggèrent les résultats de l’étude Practical publiés très récemment (2).

Pour évoluer, on attend beaucoup à terme du big data. D’ores et déjà, on peut s’inspirer de l’expérience australienne, où les patients sont pris en charge dans leur globalité, en prenant en compte tous les aspects de leur maladie : l’inflammation, les comorbidités comme les aspects éducatifs (3). Un infirmier passe en revue de multiples paramètres, puis propose une feuille de route au patient, qui doit adhérer au plan de soins. Grâce à cette approche personnalisée, qui permet de traiter l’asthme dans toutes ses dimensions, la qualité de vie des patients est améliorée.

Exergue : Il semble logique de répéter les dosages pour démasquer une éosinophilie mais on ne sait pas si sa récurrence a un impact sur la réponse thérapeutique

Entretien avec le Pr Camille Taillé, hôpital Bichat, Paris

(1)Pour contacter le chef de projet de la cohorte Ramses : karima.bourayou@aphp.fr

(2)Baggott C et al. European Respiratory Journal 2020; DOI: 10.1183/13993003.02073-2019

(3)McDonald VM et al. European Respiratory Journal 2019; DOI: 10.1183/13993003.01509-2019

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr