L'allergène du mois

N'oublions pas les blattes

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Publié le 19/11/2018
blatte

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Crédit photo : PHANIE

Les blattes (angl. : cockroach) sont des insectes aplatis, également appelés cafards, cancrelats, ou encore coquerelle au Canada et ravet aux Antilles. Les espèces les plus communes sont la blatte germanique (Blatella germanica) et la blatte américaine (Periplaneta americana).

Taxonomie

Alors que ces insectes désagréables sont bien connus pour envahir les maisons, certains restaurants, hôtels, etc., leur classification reste un sujet de controverses. Ordre des Dictyoptères (comme les mantes) pour certains, ordre des Blattodea (Blattaria) pour d’autres (Pierre-André Latreille, 1 810), différent des termites (Isoptères). En fait, tous ces insectes proviennent d’un ancêtre commun, apparu il y a plus de 300 millions d’années.

Parmi près de 6 000 espèces de blattes, les plus représentatives sont les blattes germaniques (marron clair, 13-16 mm), la blatte américaine (cosmopolite, couleur brune, jusqu’à 40 mm), la blatte de Pennsylvanie (brun foncé à bordure pâle, 25 mm, ailée, vit à l’extérieur) et les blattes orientales (marron foncé à noir, 18-29 mm).

Il existe aussi des « blattes des bois », comme Parcoblatta virginica (blatte de Virginie), Eurycotis floridana (punaise des palmiers, Floride) et Ectobius vittiventris (blatte forestière ambrée, vivant au nord des Alpes, régulièrement dans plusieurs villes suisses, et bien d’autres espèces, certaines étant même proposées à l'élevage domestique (1).

Les blattes présentes en Europe sont des insectes nuisibles, au développement hémimétabiole en 3 stades (œufs, nymphes, adultes), se nourrissant des déchets produits par l’humain. Elles sont surtout présentes dans les cuisines des maisons et des immeubles, dans les vide-ordures, en particulier ceux qui sont communs à plusieurs appartements, dans les garde-manger, les gaines d’isolation, etc. Une blatte peut avoir jusqu’à 35 000 descendants, en une durée de vie qui va de 60 à 700 jours selon les espèces.

Allergènes

Les diverses parties de la blatte sont allergisantes, le corps entier, mais aussi les mues, les fèces et l’appareil digestif. Plus de 10 groupes d’allergènes ont été décrits, identifiés par leur poids moléculaire (PM) et leurs fonctions biologiques. La nomenclature des allergènes les dénomme : « Bla » pour « Blatella » suivi de par exemple de «  g » pour  « germanica » accompagné d’un nombre identifiant l’allergène. Ainsi Bla g 1 et Bla g 2, principaux allergènes de la blatte germanique sont présents dans la poussière des maisons infestées, mais aussi dans celles qui ne le sont apparemment pas encore : ces allergènes sont en effet fixés sur des particules aéroportées.

Les réactions croisées entre les blattes (Bla g 7) et d’autres insectes ou fruits de mer sont nombreuses : avec les acariens (Der p 10), les tropomyosines (Pen a 1) de certains crustacés et mollusques, les criquets, les diverses blattes entre elles.

Prévalence

Les prévalences de la sensibilisation aux blattes sont très variables : 5 % dans la population générale, 20 % à 30 % chez les atopiques. Le taux de sensibilisation est significativement plus élevé chez ceux qui reconnaissent avoir des blattes chez eux et dont le logement est humide.

Symptômes

Les principaux symptômes de l’allergie aux blattes sont la rhinite et/ou l’asthme, qui résistent le plus souvent à un traitement bien conduit. La sensibilisation aux blattes est un facteur de risque à la fois d’asthme aigu grave (AAG) et d’asthme sévère.

Dans une étude portant sur 476 enfants asthmatiques âgés de 4 à 9 ans, recrutés dans 8 villes des États-Unis, le pourcentage d’allergies aux blattes était de 36,8 %, les autres allergènes en cause étant les acariens (34,9 %) et le chat (22,7 %) (2). Les allergènes des blattes étaient présents dans les chambres chez 1 patient sur 2 (50,2 %), alors que les acariens (9,7 %) et le chat (12,6 %) l’étaient beaucoup moins. Les enfants à la fois sensibilisés et exposés aux blattes furent plus souvent hospitalisés que les autres (0,11 vs 0,37 hospitalisations/an, p = 0,001) et eurent davantage de consultations médicales imprévues (2,56 vs. 1,43, p < 0,001) (2).

La morbidité par asthme est particulièrement importante pour les blattes. Les patients à la fois sensibilisés et exposés ont un risque significativement augmenté d’avoir un plus grand nombre de jours avec symptômes d’asthme, des insomnies et un absentéisme scolaire, comparativement aux enfants seulement exposés ou seulement sensibilisés (3). Dans cette étude, la morbidité était beaucoup plus importante pour les enfants allergiques aux blattes.

Prédiction. La présence de blattes dans l’environnement est également corrélée avec le risque de développement d’un asthme : chez les enfants âgés de moins de 3 ans, l’exposition précoce aux blattes augmente considérablement le risque d’asthme (4).

Prévention

La prolifération des blattes est liée à la vétusté, à l’humidité des appartements, aux mauvaises conditions socio-économiques des populations (centre des villes), mais les blattes peuvent aussi proliférer dans les habitats plus modernes par les gaines d’isolation, les meubles ou des appareils transférés d’un logement infesté.

L’immunothérapie allergénique n’est pas recommandée en l’absence d’extraits standardisés et purifiés. La désinsectisation (pyréthrinoïdes, chlorépiriphos, diazinon) est considérée comme décevante. Toutefois un programme global de 6 mois (éducation, hygiène, élimination des causes de développement des blattes, insecticides et aspiration régulière) a permis de réduire de façon significative les concentrations de Bla g 1 dans la poussière du sol des cuisines (96 % de réduction), des chambres à coucher (84 %) ou des lits (84 %) dans les habitations de quartiers défavorisés (5, 6). Les insecticides sont indiqués lorsque la lutte biologique (nettoyage, aspiration, pièges) a échoué, ce qui est souvent le cas ! Dans un immeuble, il faudrait théoriquement faire traiter tous les appartements par les services municipaux d’hygiène, ce qui est difficile.

Insolite

Comme les acariens, les blattes peuvent contaminer les farines (7) : Bla g 2 a été mis en évidence dans 40 échantillons de farine sur les 41 examinés provenant de 14 firmes différentes ! Plusieurs échantillons contenaient jusqu’à 2 U/g de Bla g 2.

Cas exceptionnel, nous avons observé un cas d’anaphylaxie après l’ingestion d’une blatte chez un adolescent asthmatique, polysensibilisé (acariens, moisissures, animaux), ayant une sensibilisation aux blattes (8).

Pneumologue-Allergologue
(1) http://www.myrmecofourmis.com/forum/viewtopic.php?t=10578, consulté le 8 oct. 2018
(2) Rosenstreich DL, Eggleston P, Kattan M, et al. The role of cockroach allergy and exposure to cockroach allergen in causing morbidity among inner-city children with asthma. N Engl J Med 1997; 336(19) : 356-63
(3) Gruchalla RS, Pongracic J, Plaut M, et al. Inner City Asthma Study: relationships among sensitivity, allergen exposure, and asthma morbidity. J Allergy Clin Immunol 2005; 115(3):478-85
(4) Litonjua AA, Carey VJ, Burge HA, et al. Exposure to cockroach allergen in the home is associated with incident doctor-diagnosed asthma and recurrent wheezing. J Allergy Clin Immunol 2001; 107(1):41-7
(5) Arbes SJ, Sever M, Archer J, et al. Abatement of cockroach allergen (Bla g1) in low-income, urban housing: a randomized controlled trial. J Allergy Clin Immunol 2003; 112(2):339-45
(6) http://www.insectes.org/insectes/questions-reponses.html?id_quest=170 (consulté le 10 octobre 2018)
(7) Jaen C, Codina R, Lockey RF. Presence of Bla g2 allergens in store purchased flour samples. J Allergy Clin Immunol 2000; 105:s181 (Abstract n° 547)
(8) « Blattes ». In : Dutau (Guy). Le dictionnaire des allergènes, 2é édition, Phase 5, Paris, 2000, pages 32-3

Pr Guy Dutau

Source : lequotidiendumedecin.fr