Le syndrome d’apnées du sommeil

Obstructif ou central : deux entités différentes

Publié le 05/05/2010
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PAR LE Pr PATRICK LEVY*

LE SYNDROME d’apnée du sommeil comprend essentiellement deux entités :

– le syndrome d’apnées obstructif (SAOS), le plus habituel, touchant environ 4 % de la population adulte d’âge moyen et augmentant en fréquence avec l’âge ;

– le syndrome d’apnées central, associé à une respiration périodique de Cheyne-Stokes, qui est fréquent au cours de l’Insuffisance cardiaque (IC) grave (environ 25 % des cas).

Les événements survenant la nuit (arrêts complets de la respiration ou apnées, arrêts partiels ou hypopnées) sont donc différents dans ces deux situations. En cas d’apnées obstructives, il persiste des mouvements thoraciques et abdominaux, qui témoignent des mouvements respiratoires contre l’obstacle pharyngé. En effet, au cours du SAOS, il existe une fermeture (un collapsus) du pharynx au cours du sommeil.

À l’inverse, le SAS central est caractérisé par une disparition ou une diminution des mouvements respiratoires proportionnelle aux modifications du débit d’air au niveau des voies aériennes supérieures. Le SAS central est une conséquence de l’insuffisance cardiaque, qui témoigne de sa sévérité, mais aussi aggrave son pronostic.

Les méthodes de diagnostic.

Enregistrer le sommeil n’est pas simple puisqu’il faut disposer d’un ensemble de capteurs assez encombrant , même si cela est faisable à domicile actuellement. D’autres méthodes plus simples à utiliser ont été conçues ces dernières années, qui n’enregistrent qu’un ou plusieurs paramètres reflétant la respiration au cours du sommeil. C’est le cas de l’oxymétrie nocturne qui mesure la SaO 2 transcutanée ou différents capteurs de respiration, comme la mesure de la pression par une canule nasale, qui est un bon reflet du débit aérien.

Des dispositifs très miniaturisés permettent de mesurer en continu la saturation transcutanée en oxygène, mais aussi, à partir de l’onde de pouls extraite du signal de SaO 2, les micro-éveils qui fragmentent le sommeil, le tout pouvant être transmis à un PDA ou à un ordinateur.

Les circonstances du diagnostic.

Devant des symptômes évocateurs, comme notamment :

– le ronflement nocturne et les arrêts respiratoires constatés par l’entourage, bruyant, gênant l’entourage, inquiétant car interrompu par des pauses et des reprises bruyantes lors des apnées ;

– une somnolence diurne excessive. Elle est présente même à minima dans 90 % des cas. Il n’y a pas de moyen idéal de la mesurer de façon simple, mais elle est très fréquemment et utilement appréciée par l’auto-questionnaire d’Epworth, qui permet de calculer un score de somnolence, considéré comme anormal lorsqu’il est ≥ 11. En l’absence de somnolence avérée, il peut exister une fatigue matinale, un sommeil non réparateur, des troubles de concentration ou d’attention.

L’obésité est un facteur favorisant, mais elle ne concerne que la moitié des patients seulement. Chez les autres, il faut rechercher des anomalies maxillo-faciales, qui, même discrètes peuvent contribuer aux apnées par la réduction de taille des voies aériennes.

Egalement, évidemment moins spécifiques, il existe volontiers une nycturie, des troubles de la libido, des troubles de l’humeur

La méthode diagnostique à mettre en œuvre dépend des moyens disponibles et de la probabilité diagnostique prétest. Plus celle-ci est faible, plus il faudra envisager un examen complet (polysomnographie), seul à même de répondre à la question posée.

Dans le cadre d’un dépistage au sein d’un groupe de sujets à risque, parce que le SAOS y est fréquent (hypertendus, obèses, diabétiques) ou les conséquences (en particulier celles de la somnolence) particulièrement dangereuses (professionnels de la route, par exemple), on cherche les symptômes associés, mais surtout on met en œuvre une méthode sensible et en général moins spécifique que la polysomnographie,comme l’oxymétrie nocturne.

Le cas particulier de l’insuffisance cardiaque.

Les apnées au cours du sommeil sont fréquentes au cours de l’insuffisance cardiaque grave (près d’un cas sur deux, moitié centrales, moitié obstructives). Ces patients sont cependant moins somnolents, plus volontiers insomniaques, moins souvent obèses, plus fatigués. L’oxymétrie nocturne est un bon moyen de dépistage, mais elle est insuffisante pour distinguer les apnées obstructives des apnées centrales, ce qui est nécessaire car le traitement n’est pas le même. On procédera donc souvent en deux étapes : oxymétrie, puis polygraphie ou polysomnographie.

La pression positive continue.

Dans le cadre du traitement du SAOS « classique », la pression positive continue (PPC) est remarquablement efficace pour supprimer les apnées-hypopnées et leurs conséquences. Elle réduit la somnolence diurne, la fatigue, le risque d’accident au volant et améliore la qualité de vie. Elle diminue la pression artérielle des 24 heures (d’environ 3 mmHg en moyenne) et la morbimortalité cardio-vasculaire.

Le traitement est d’autant plus facile à mettre en œuvre que les patients sont symptomatiques (somnolence, asthénie). Les titrations de la pression en laboratoire sont le plus souvent inutiles dans ce cas et peuvent être faites à domicile à l’aide de machines auto-pilotées qui ajustent la pression sur la base des événements détectés. Les patients doivent bénéficier d’un suivi rapproché et d’un support éducatif la première année, notamment les premiers mois, période critique pour l’observance du traitement. Des effets secondaires mineurs (irritation nasale, bouche sèche) sont fréquents et doivent être pris en charge. L’adaptation du masque peut être longue et délicate. C’est une des clefs de la réussite.

Dans ces conditions, 15 % des sujets ne pourront jamais s’adapter, mais plus de 80 % des patients restants poursuivront régulièrement le traitement, une observance très supérieure à celle observée au cours des autres pathologies chroniques.

Peut-on traiter des apnéiques peu ou pas symptomatiques à visée cardio-vasculaire ?

C’est ce que semble montrer une étude récente (Barbé F, et al. Am J Respir Crit Care Med 2010;181:718–726), dans laquelle une observance de l’ordre de 5 heures par jour en moyenne s’est accompagnée d’une baisse de la PA diastolique de l’ordre de 2 mmHg.

L’insuffisance cardiaque représente un cas particulier. S’il s’agit d’un SAOS obstructif, il existe un consensus des experts (recommandations de la Société européenne de cardiologie, Eur Heart J 2008: 29;2388-2442) pour mettre en place une PPC. Cependant, la mise en œuvre ne sera pas faite à domicile mais lors d’une courte hospitalisation car la titration de la pression par une PPC auto-pilotée est proscrite et la surveillance hémodynamique initiale indispensable.

S’il s’agit d’un SAS central, le degré de preuves concernant la mortalité est faible. Cependant, il a été montré qu’après avoir optimisé le traitement médical, la ventilation servo-assistée permet de corriger les événements respiratoires centraux, d’améliorer la qualité de vie, la fraction d’éjection du ventricule gauche et de réduire le BNP.

* En collaboration avec les Drs Renaud Tamisier et Sandrine Launois et le Pr jean-louis Pepin, Rééducation et physiologie, CHU de Grenoble, et laboratoire Hypoxie Physiopathologie (HP2), Université Joseph Fourier et Inserm ERI17, Grenoble.

Le Quotidien du Mdecin

Source : Bilan spécialistes