Pneumocoques : un mieux à ne pas gaspiller

Publié le 30/03/2015
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Les pneumocoques ont commencé à développer une sensibilité diminuée à la pénicilline dans les années 1970.

« Entre 1980 et 2000, le taux de résistance a augmenté parallèlement à l’évolution de la consommation des bêtalactamines. En conséquence, on est passé, dans les années 1990, d’une posologie usuelle d’amoxicilline de 0,5 g x 2 à 3/jour à une posologie de 1 g x 3/jour pour le traitement des infections respiratoires. Mais en 2002 en France, tous prélèvements confondus, près de 50 % des souches de pneumocoques présentaient une sensibilité diminuée à la pénicilline », résume la Dr Emmanuelle Varon (HEGP, Paris).

Vaccination et plan antibiotique

En 2003, le plan antibiotique, conjugué à l’introduction du vaccin Prevenar chez les enfants à risque, suivi de sa généralisation à tous les moins de 2 ans dès 2006, a fait pour la première fois reculer ces résistances.

« Aujourd’hui, seuls 22 % de pneumocoques présentent une sensibilité diminuée à la pénicilline. Soit une réduction de près de 30 % en 10 ans, souligne la Dr Varon. Cette évolution est la conséquence d’un bouleversement des sérotypes ».

Lors de son introduction, le vaccin Prevenar à 7 valences couvrait 80 % des souches de pneumocoques de sensibilité diminuée. Le second vaccin Prevenar à 13 valences en inclut 6 supplémentaires, dont le sérotype 19A, qui est un gros pourvoyeur de résistance.

Mais attention, la nature a horreur du vide ! « La niche laissée vacante par la disparition des sérotypes vaccinaux se remplit. Elle est occupée par d’autres sérotypes épidémiques sensibles, mais aussi par des sérotypes de sensibilité diminuée. Et comme, depuis 3-4 ans, la consommation d’antibiotiques repart à la hausse, on s’attend à une remontée des résistances », nuance la Dr Varon.

Néanmoins, aujourd’hui, les résistances des pneumocoques ne posent pas de problèmes thérapeutiques. Les infections invasives sont en diminution, chez les enfants, mais aussi chez les adultes pour la première fois en 2013, grâce à un effet indirect de la vaccination des enfants (1). Et les pneumocoques isolés d’infections invasives, même quand ils ont une sensibilité diminuée, restent sensibles à l’amoxicilline, avec une CMI d’amoxicilline inférieure à 4 mg/l.

« Il n’y a quasiment plus de pneumocoques de sensibilité diminuée aux céphalosporines de troisième génération injectables, recommandées pour le traitement des méningites. Il faut toutefois rester vigilant et lutter contre la consommation abusive des antibiotiques. D’autant que les pneumocoques échangent naturellement des gènes de résistance avec les streptocoques du rhinopharynx sous la pression antibiotique », conclut la Dr Varon.

Entretien avec la Dr Emmanuelle Varon (HEGP, Paris)

(1) Lepoutre A et al. Impact of the pneumococcal conjugate vaccines on invasive pneumococcal disease in France, 2001–2012. Vaccine 2015;33:359-66

Pascale Solère

Source : Bilan spécialiste