Pr Claire Andrejak : « Le Paxlovid bénéficie aux patients à risque de formes graves de Covid »

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Publié le 23/11/2022
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« La situation est aujourd’hui moins tendue dans les services de pneumologie. Les patients Covid qui y sont hospitalisés sont en très grande majorité porteurs des comorbidités », souligne la Pr Andréjak.

Crédit photo : DR

Les services de pneumologie vont-ils enfin pouvoir souffler face au Covid-19 ? « C’est impossible de prévoir ce qui va se passer dans le mois à venir, car personne ne peut dire comment le virus va évoluer ou s’il y aura des recombinaisons. Ce qu’on peut juste constater, c’est que la situation est aujourd’hui moins tendue dans les services de pneumologie. Nous avons encore des patients Covid mais nettement moins que lors des premières vagues », indique la Pr Claire Andréjak (CHU d’Amiens), secrétaire générale du conseil scientifique de la SPLF.

Cette évolution est liée notamment au fait que le variant Omicron touche majoritairement les voies aériennes supérieures et provoque moins de formes pneumologiques que le variant Delta. « Omicron n’a rien à voir avec Delta, qui entraînait des atteintes essentiellement respiratoires. Dans les premières vagues, nous avions quelques patients jeunes sans forcément de comorbidités respiratoires. Aujourd’hui, les patients Covid dans nos services sont en très grande majorité des patients avec des comorbidités. Il s’agit surtout de patients BPCO et/ou avec une insuffisance respiratoire chronique. Les patients avec une immunodépression peuvent aussi faire une forme sévère. Nous avons encore des patients en réanimation, mais très peu. En fait, Omicron ressemble beaucoup plus que Delta ou la souche ancestrale, aux coronavirus européens dont nous avons l’habitude et qui donnent beaucoup de symptômes pseudo-grippaux », indique la Pr Andréjak.

Selon elle, un message important doit être délivré aux généralistes mais aussi aux pneumologues sur l’intérêt de traiter avec du Paxlovid (nirmatrevil/ritonavir) les patients à risque de formes graves. « Les généralistes sont souvent en première ligne car ce sont eux qui voient majoritairement les patients Covid lors des premiers symptômes. Mais il arrive aussi que des patients que nous suivons nous appellent pour nous dire qu’ils viennent tout juste d’être diagnostiqués positifs au Covid », souligne la Pr Andréjak, en insistant sur le bénéfice d’une mise sous Paxlovid dans les cinq jours suivant le début des symptômes. « C’est un médicament qui marche bien pour diminuer la multiplication virale, la symptomatologie et donc les risques d’une forme grave », ajoute-t-elle.

C’est en janvier dernier que la Haute Autorité de santé (HAS) a délivré une autorisation d’accès précoce (AAP) à ce médicament, dans le traitement des patients adultes atteints du Covid-19 ne nécessitant pas de supplémentation en oxygène et qui présentent un risque accru d’évolution vers une forme sévère de la maladie. L’utilisation du médicament dans le cadre de cet accès précoce a débuté le 4 février 2022.

Vigilance sur les interactions

Le profil des patients traités avec ce médicament a été documenté par une étude EPI-Phare (groupement d’intérêt scientifique ANSM-Cnam). « Dans cette étude, les patients traités avec du Paxlovid étaient âgés en moyenne de 66 ans, et 54 % étaient des femmes. Ceux qui avaient été traités au cours de la période de février-avril 2022 avaient un âge moyen similaire à ceux traités plus tard (mai-juin) mais présentaient plus de comorbidités : maladies respiratoires chroniques, cancers actifs, troubles névrotiques et de l’humeur, sclérose en plaques, et autres maladies auto-immunes », indiquait l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en septembre. En comparaison avec la population générale adulte, les utilisateurs de Paxlovid étaient plus âgés (âge moyen : 66 ans vs. 51 ans) et un peu plus favorisés sur le plan socio-économique. « Ils présentaient également plus de comorbidités pouvant entraîner des risques de formes graves de Covid-19, en particulier pathologies cardiaques, maladies respiratoires chroniques, cancers actifs, troubles névrotiques et de l’humeur, sclérose en plaques et autres maladies auto-immunes », précisait l’ANSM. « Les données de pharmacovigilance recueillies pendant l’accès précoce confirment le profil de sécurité d’utilisation du Paxlovid. Les effets indésirables les plus fréquemment rapportés sont des dysgueusies (troubles du goût) et des troubles gastro-intestinaux. Des cas d’interactions médicamenteuses ont également été rapportés, ils sont connus avec le ritonavir. Quelques cas d’élévations de la pression artérielle, essentiellement non graves et transitoires, ont été déclarés », ajoutait l’Agence. Selon la Pr Andréjak, il convient que les prescripteurs soient attentifs au risque d’interaction médicamenteuses. « Les patients à risque de formes sévères de Covid prennent forcément des médicaments pour des maladies chroniques. Et pour éviter toute interaction, on peut se reporter au site de la Société française de pharmacologie (https://sfpt-fr.org/recospaxlovid) très complet sur cette question », conseille la Pr Andréjak.

Entretien avec la Pr Claire Andréjak (CHU d’Amiens), secrétaire générale du conseil scientifique de la SPLF, responsable du Groupe de recherche et enseignement en pneumologie-infectiologie (Grepi)

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr