Pr Pierre-Régis Burgel : « BPCO : tous les signaux sont au rouge »

Par
Publié le 13/10/2022
Article réservé aux abonnés
En France, la BPCO est responsable de près de 18 000 décès et d’entre 130 000 et 160 000 hospitalisations. En l’absence de traitement curatif, la SPLF faisait l’an dernier une mise au point sur le recours aux thérapeutiques existantes.

Crédit photo : Gael Kazaz / Institut Cochin

La mise au point de la SPLF (la dernière datant de 2016), s’est fondée sur la publication récente de grandes études thérapeutiques dans la BPCO, en particulier sur les nouvelles associations fixes, l’antibiothérapie préventive, l’intérêt de l’éosinophilie sanguine pour guider les traitements ainsi que sur les diverses recommandations internationales en particulier celles de l’initiative Gold et de l’ERS

Les triples combinaisons fixes confirment leur rôle

Ces dernières années, des études de phase III de grande ampleur ont évalué les triples combinaisons LABA/LAMA/CSI en association fixe vs LAMA seul, LABA/CSI ou LABA/LAMA. « Des données qui ne bouleversent toutefois pas la stratégie thérapeutique, les molécules incluses dans ces combinaisons étant utilisées en France depuis une quinzaine d’années », remarque le Pr Pierre-Régis Burgel. L’observance est vraisemblablement meilleure qu’avec des dispositifs séparés mais cela n’a jamais été clairement démontré. Trois sont remboursées en France : Trimbow (béclométasone, formotérol et glycopyrronium), Trixeo Aerosphere (formotérol, glycopyrronium et budésonide) et Trelegy Ellipta (fluticasone, uméclidinium, vilantérol). Ces associations fixes diminuent le risque d’exacerbations, améliorent la fonction pulmonaire et la symptomatologie mais l’amplitude des effets reste relativement modeste. Elles devraient être réservées aux patients exacerbateurs ou gardant une dyspnée malgré une bithérapie bien conduite en l’absence d’antécédents d’effets indésirables liés aux CSI.

CSI : se fonder ou non sur l’éosinophilie

Toute une littérature a émergé ces dernières années sur l’intérêt ou non des éosinophiles pour guider les traitements par CSI chez les patients atteints de BPCO, mais avec des préconisations assez variables selon les pays et selon les types de recommandations ; ainsi les rapports de l’initiative Gold où le recours au dosage des éosinophiles se révèle complexe avec des divers seuils permettant ou non d’instaurer ou de retirer les CSI en fonction des exacerbations. « L’avantage de ce biomarqueur est d’être facilement accessible, mais on peut se demander quel est son intérêt réel en pratique » constate le pneumologue. Pour la SPLF, l’éosinophilie n’est intéressante que chez les exacerbateurs, en tenant compte de sa variabilité au cours du temps ; elle reste un critère de décision secondaire derrière la clinique, les exacerbations, les antécédents de pneumonies ou les comorbidités que la corticothérapie peut aggraver. « Les CSI devraient être réservés aux exacerbations fréquentes, chez les patients bon répondeurs. Ils multiplient par deux le risque initial de pneumonie, qui peut être élevé en cas de fonction respiratoire basse ou d’antécédents de pneumonie. »

L’azithromycine au long cours peut être proposée, en prescription hors AMM, chez les patients restant exacerbateurs malgré les traitement inhalés, puisque quelques études montrent qu’elle réduit les exacerbations avec, contrairement aux conclusions de 2016, des données rassurantes sur sa tolérance. Il convient néanmoins de respecter les contre-indications cardiovasculaires et otologiques, et de s’assurer de l’absence d’infection à mycobactérie atypique avant d’initier cette thérapeutique.

Il faut toujours insister sur la nécessité d’une vaccination antigrippale, antipneumococcique et anti-Covid sur ces populations souvent vulnérables, l’importance du maintien d’une activité physique et d’une prise en charge globale intégrant celle des comorbidités qui laisse encore parfois à désirer.

Les traitements inhalés et après ?

« Avec ces trois familles de molécules inhalées, on a une certaine efficacité mais qui reste insuffisante », déplore le Pr Burgel.

Les diverses thérapeutiques ciblées prescrites dans l’asthme sévère ont été envisagées dans la BPCO. Ainsi les anti-IL5 comme le mépolizumab et le benralizumab ou le dupilumab (antiIL4/IL13), mais les études initiales se sont révélées négatives. D’autres études de phase III sont en cours chez les patients ayant une éosinophilie supérieure à 300/µl, ce qui pourrait être un plus si elles étaient positives mais ne concernerait qu’une proportion minime de patients.

D’autres essais sont en cours avec un anti-IL-33 ou un potentiateur du CFTR (Cystic Fibrosis Transmembrane Conductance Regulator) mais dont on ne connait absolument pas l’impact.

Des technologies d’exception

Pour certains patients, on peut envisager des traitements d’exception comme la pose de valve endo-bronchiques. La dénervation bronchique est encore au stade expérimental et restera un traitement de niche. Enfin pour les patients jeunes, la transplantation pulmonaire constitue une option thérapeutique d’exception.

Livre Blanc de la BPCO, « Faire de la BPCO une urgence de santé publique our le quinquennat, contribution des patients et des professionnels de santé à un plan BPCO 2018-2022

https://splf.fr/wp-content/uploads/2017/11/LB_Faire-de-la-BPCO-une-urge… 

Entretien avec le Pr Pierre-Régis Burgel, Hôpital Cochin

Optimisation du traitement médicamenteux des patients atteints de BPCO en état stable. Position de la SPLF Actualisation 2021

https://splf.fr/optimisation-du-traitement-medicamenteux-des-patients-a…

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr