Les référentiels de pratique en oncologie thoracique 2024 viennent de sortir et, même s’ils étaient initialement rédigés par la région Auvergne Rhône-Alpes et à vocation régionale, ils sont désormais consultés sur l’ensemble du territoire. Et ils dépassent même les frontières, puisqu’ils sont utilisés en Belgique, en Suisse, au Maghreb, avec 300 000 consultations du site chaque année et 35 000 téléchargements par des professionnels ! Très pratique, on y retrouve les dernières recommandations, les arbres décisionnels, etc. Et sa grande force est d’être réactualisé chaque année.
LE QUOTIDIEN : Où en est-on du dépistage organisé du cancer du poumon ?
Pr SÉBASTIEN COURAUD : C’est justement le thème de notre référentiel « nodules et pleurésies malignes ». Nous avons quasi finalisé le référentiel scientifique commun, édité par l’Inca en lien avec les sociétés savantes concernées, la HAS et le Ministère de la Santé. Ce document servira de socle à la future expérimentation pilote nationale qui doit débuter en 2025.
Seront éligibles, pour rentrer dans l’expérimentation du dépistage du cancer du poumon, toutes les personnes qui ont entre 50 et 75 ans et qui ont fumé plus de 20 paquets-année au cours de leur vie, sans contre-indication à un geste chirurgical. Sur le plan pratique, le scanner faiblement dosé, sans injection de produit de contraste, restera l’examen de référence dans cette étude. L’Inca va émettre un appel à projet au cours de l’année 2024. Chacun pourra donc y répondre pour participer à cette expérimentation qui, à terme, a vocation à devenir nationale, via plusieurs vagues successives.
Quid du déroulement de l’expérimentation pilote ?
L’expérimentation devrait durer cinq ans et, à son issue, sera prise la décision ou non de rendre ce dépistage systématique. Outre le scanner, la prise en charge tabacologique sera systématisée pour les fumeurs actifs. C’est un point qui nous semblait particulièrement important ! Seul bémol, le cadre réglementaire de l’expérimentation pilote, que l’on voulait simple (comme pour le dépistage du cancer du sein ou du côlon par exemple), semble se complexifier pour aboutir à une étude clinique. Le risque est de freiner médecins et radiologues libéraux (par manque de temps), et d’inquiéter les patients à qui l’on va demander de signer moult documents. L’expérimentation deviendrait un peu trop hospitalo-centrée, ce qui n’était pas le but initial. Il reste aussi à négocier son enveloppe budgétaire.
Qu’en est-il des autres facteurs de risque de cancer pulmonaire ?
La démonstration a été apportée que la pollution atmosphérique — notamment aux particules fines, en laboratoire — pouvait générer des mutations EGFR au niveau des cellules pulmonaires. C’est la première fois que la démonstration moléculaire de l’effet d’un facteur de risque est apportée au niveau cellulaire.
Cela ne veut pas dire que tous les cancers du poumon avec une mutation EGFR sont liés à la pollution - il ne faut pas négliger le rôle prépondérant du tabagisme passif et des expositions professionnelles ! - mais plutôt que l’exposition à ces particules fines joue aussi un rôle. D’ailleurs, il existe une superposition, au niveau de notre territoire, des zones les plus polluées et des cas de cancers EGFR.
Quoi de neuf sur le plan thérapeutique aux stades précoces ?
La grosse évolution de l’année concerne les traitements néo-adjuvants. Aux stades précoces, opérables, l’idée est de débuter par une chimio-immunothérapie pour réduire la masse tumorale avant d’opérer (et non l’inverse). Les résultats obtenus sont intéressants en termes d’efficacité, avec des cas de réponses pathologiques majeures voire complètes. Cette meilleure prise en charge des formes précoces mérite d’être soulignée.
Par ailleurs, en chirurgie, des essais cliniques ont comparé la lobectomie (qui est le standard actuel) avec des résections plus petites (segmentectomies) pour les stades 1, sous réserve de conditions techniques précises. Une équivalence a été retrouvée en termes d’efficacité. Le bénéfice sur la capacité respiratoire n’est pas flagrant, et la chirurgie n’est pas moins lourde, mais permet d’épargner un peu plus de parenchyme, ce qui n’est pas inintéressant, en cas de BPCO par exemple.
Et concernant les thérapies ciblées ?
L’identification de nouvelles cibles ouvre des pistes intéressantes. Un petit nombre de cancers du poumon non à petites cellules présente un changement dans le gène RET, et les cellules cancéreuses positives pour la fusion du gène RET sont accessibles au selpercatinib. Un essai de phase 3 très démonstratif nous permet désormais de prescrire cette thérapie ciblée en première ligne.
De même, des traitements se développent pour les mutations Kras, qui concernent 30 % des cancers du poumon. Actuellement, seules les mutations Kras G12C sont ciblables, avec des résultats très encourageants (sotorasib, adagrasib).
Enfin, dans les mutations EGFR, qui concernent environ 10 % des cancers du poumon, un traitement efficace pour une sous-mutation (Exon 20) vient d’être autorisé en accès précoce en première ligne : l’amivantamab. Ce même anticorps est aussi proposé dans la progression des autres cancers EGFR, mais en seconde ligne cette fois.
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