De nouvelles perspectives dans la BPCO ?

Résultats préliminaires en demi-teinte de la dénervation

Par
Publié le 21/02/2020

Une étude de phase II de dénervation pulmonaire par radiofréquence confirme que la technique est sûre. Néanmoins dans cet essai l’effet sur la fonction pulmonaire est nuancé. Les évènements pulmonaires sont réduits les premiers mois mais il n’y a plus de différences à un an, si ce n’est une réduction des exacerbations sévères.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Réduire la stimulation parasympathique pulmonaire n’est pas une idée neuve dans la BPCO, rappelle l’éditorial accompagnant la publication de cette étude de dénervation pulmonaire (1). C’était déjà l’objet des antimuscariniques, introduits dans les années quatre-vingt-dix.

Une ablation bronchoscopique ciblée par radiofréquence des nerfs vagaux afférents et parasympathiques efférents situés autour de la bronche principale est donc une idée séduisante. Elle pourrait en effet permettre de réduire la bronchoconstriction et l’hypersécrétion associées à l’hyperactivité parasympathique.

Dans cette optique, un appareillage a été développé. Une étude de phase II a testé cette option thérapeutique chez des patients porteurs de BPCO modérée à sévère sous traitement médical (2). Ses résultats sont en demi-teinte. Il n’y a pas eu de problème de tolérance, ce qui était le but de cette étude de phase II. Mais les données d’efficacité sont peu concluantes. Il faudra donc attendre les résultats de l’étude de phase III, qui va démarrer, pour préciser l’intérêt de cette stratégie.

Un essai randomisé versus opération factice en double aveugle

Cette étude de phase II multicentrique a été menée en double aveugle avec comme comparateur une opération factice. Les patients devaient être âgés de 40-75 ans et être porteurs de BPCO modérée à sévère (FEV1/FVC < 0,70 ; FEV1 [30–60]%) avec un score de dyspnée supérieur à 2. Ceux ayant été hospitalisés plus de deux fois dans l’année pour raison pulmonaire ou présentant une gastroparésie ont été exclus.

Ils ont été randomisés après une période 7 jours de wash out suivie d’une période de run in de 7 jours sous ipatropium. Les autres traitements de l’asthme étaient continués en fonction de l’avis médical.

Les 82 patients randomisés dans l’étude ont en moyenne 63 ans, un IMC de 25 kg/m2, un VEMS de 41 % et un antécédent de 45 paquets-année de tabagisme. Parmi eux, 60-70 % sont sous trithérapie.

Pas de complication mais l’efficacité reste à documenter

La mise en place et le retrait de la sonde n’a pas posé de problème chez l’ensemble des sujets. L’ablation par radiofréquence a été considérée comme réussie chez 90 % d’entre eux. L’intervention a duré en moyenne 74 minutes dans le groupe ablaté versus 40 minutes pour ceux de l’intervention factice. Enfin la durée médiane de l’hospitalisation est de 1 jour ([0-4] jours)

Le critère principal de l’étude est le taux d’évènements pulmonaires survenus entre le 3e et le 6e mois après l’intervention. Il rassemble les exacerbations de BPCO, les tachypnées, les sifflements, les détériorations bronchiques, l’aggravation de la dyspnée, la grippe, les pneumonies et autres infections respiratoires ainsi que toute complication pulmonaire nécessitant une intervention thérapeutique.

Dans cette fenêtre de 3 à 6 mois, les sujets du groupe traités ont fait significativement moins d’événements pulmonaires que ceux du groupe témoin (32 vs 71 %). Dans les trois premiers mois après l’intervention, ce taux d’évènements ne diffère pas entre les deux groupes. Plus surprenant quand on analyse l’ensemble du suivi, de 0 à 12 mois, il n’y a plus de différence (83 vs 90 %) en termes d’événements pulmonaires totaux. Néanmoins si l’on se restreint aux exacerbations sévères nécessitant une hospitalisation, la dénervation est associée à un bénéfice significatif sur 12 mois (12 vs 32 %). En revanche, le délai avant la première exacerbation n’est pas modifié.

Pour l’éditorialiste, la fréquence particulièrement élevée des évènements pulmonaires dans le groupe témoin entre 3 et 6 mois est troublante. La différence significative entre les deux groupes sur ces trois mois pose donc question. D’autant que, sur 1 an (une durée qui a plus de sens d’un point de vue clinique), les deux bras sont comparables. Sans compter qu’il n’y a pas de différences sur de nombreux paramètres pulmonaires, notamment sur l’ensemble des exacerbations. Le suivi à long terme est néanmoins rassurant en ce qui concerne la sécurité. Quant à l’efficacité, on devra attendre l’étude de phase III dont l’éditorialiste espère qu’elle sera menée sur des sujets plus sélectionnés.

 

(1) SD Aaron, DA Mahler. Calming Nervous Airways: Targeted Lung Denervation for Chronic Obstructive Pulmonary Disease. Am J Respir Crit Care Med 2019; 200:1455-56

(2) Safety and Adverse Events after Targeted Lung Denervation for Symptomatic Moderate to Severe Chronic Obstructive Pulmonary Disease (AIRFLOW). A Multicenter Randomized Controlled Clinical Trial. Am J Respir Crit Care Med 2019;200(12):1477-86

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr