Sujets symptomatiques à spirométrie préservée : non aux bronchodilatateurs

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Publié le 13/10/2022
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Voilà qui devrait inciter à effectuer davantage la spirométrie : chez les fumeurs ou ex-fumeurs symptomatiques à spirométrie normale, les bronchodilatateurs n’ont aucun effet.

Crédit photo : phanie

Bien que les bronchodilatateurs inhalés ne soient pas indiqués en absence d’obstruction pulmonaire dûment documentée par spirométrie, certains médecins sont tentés de les prescrire, hors AMM, chez les fumeurs/ex fumeurs ayant une symptomatologie pulmonaire parlante. La spirométrie évalue essentiellement l’effet pathologique du tabac sur les grosses bronches or, la BPCO se développe initialement dans les petites bronches (celles de moins de 2 millimètres de diamètre) : l’idée peut donc paraître tentante (1). Mais c’est une fausse bonne idée. Une étude randomisée, menée à l’initiative du National heart lung and blood institute, vient de montrer que mettre ce type de patients sous bithérapie bronchodilatatrice durant 4 mois ne réduit nullement leur symptomatologie (2).

Une étude randomisée menée sur plus de 500 patients avec un suivi de 4 mois

L’étude Rethinc (redefining therapy in early CODP), a randomisé des sujets de : 40 à 80 ans, fumeurs ou ex-fumeurs ayant un passif d’au moins dix paquets-années, avec un score symptomatique pulmonaire (CAT) supérieur ou égal à 10, un rapport FEV1/CVF (volume expiré sur 1 sec/capacité vitale forcée) d’au moins 70 % et une CVF sous bronchodilatateur d’au moins 70 %. Les sujets souffrant d’asthme ou de toute autre maladie pulmonaire, ainsi que ceux déjà sous thérapie inhalée (Lama, Laba, Saba…) ont été exclus, sauf s’ils pouvaient en être sevrés durant un mois (wash in).

Une randomisation en blocs permutants a été réalisée, avec une stratification des patients sur le centre de prise en charge et leur statut tabagique (fumeurs/ex fumeurs).

Les patients ont ensuite été mis sous bithérapie inhalée, associant indacatérol et glycopyrrolate (27,5/15,6 µg), à raison de deux inhalations par jour versus placebo. À noter, ces posologies, agréées aux États-Unis, sont plus faibles que celles approuvées au Canada et en Europe (85/45 µg en Europe).

Au total, entre juillet 2017 et mars 2021, 535 patients ont été recrutés dans 20 centres. Parmi eux, un peu plus d’un sur quatre avait déjà été mis sous l’une des thérapies inhalées agrée dans la BPCO. Mais seuls 4 % du total ont finalement été inclus dans l’étude, pour diverses raisons, dont seulement trois échecs de wash in.

En intention de traiter, l’étude porte sur 471 patients : 227 dans le bras traitement et 244 dans le bras placebo. Ces sujets, d’âge moyen 58 ans, dont 56 % de femmes, sont aux deux tiers des fumeurs actifs (64 %). Ils ont relativement peu de comorbidités, excepté la bronchite chronique, qui touche 36 % d’entre eux, plus 17 % de diabète.

À l’inclusion, la symptomatologie a été cotée sur les scores SGRQ (St Georges respiratory questionnaire : [1-100]), CAT (COPD assessment test), BDI (Baseline dyspnée index) et TDI (Transition dyspnée index). Une spirométrie initiale a été réalisée. Les patients ont été suivis par téléphone toutes les quatre semaines. Au terme des quatre mois de traitement, les scores ont été réévalués, ainsi que la spirométrie.

Le critère primaire retenu est une réduction d’au moins quatre points (réduction = amélioration) du score SGRQ à 4 mois de traitement, et l’absence d’échec (absence de dégradation ayant motivé l’initiation d’un traitement antibiotique, corticoïde ou d’un bronchodilatateur de longue durée d’action).

De nombreux critères secondaires étaient spécifiés, dont les variations de CAT, TDI, CVF pré-dose, pourcentage de jours sans symptômes, échecs, etc.

Guère de différences avec le placebo

Chez ces patients, présentant à l’inclusion un SGRQ moyen autour de 38 ± 20, la mise sous bithérapie bronchodilatatrice n’a pas modifié significativement les symptômes : dans le bras traité, 56,4 % des patients ont vu leur score SGRQ décroître d’au moins 4 points, versus 59 % dans le bras placebo. L’analyse, non plus en intention de traiter mais per protocole, ne met pas plus en évidence de bénéfice (59,4 vs 62,5 %). Pas plus que l’analyse en sous-groupes préspécifiés.

Cela, alors que les « échecs » (nécessité d’un traitement antibiotique, corticoïde ou bronchodilatateur de longue durée d’action) ont été rares (2,2 vs. 3,7 %) et l’adhésion bonne (88 %).

« Cette étude est importante. Elle devrait, en pratique clinique, encourager les médecins à prescrire plus systématiquement une spirométrie. Ce qui n’est pas malheureusement pas assez souvent le cas en médecine générale. Et en absence d’obstruction significative (FEV1/FVC ≥ 0,70), elle devrait définitivement décourager les médecins à mettre ce type de patients sous bronchodilatateurs inhalés », concluent les auteurs.

 

(1) Don D. Sin. Rethincking COPD - bronchodilators for symptomatic tobacco-exposed persons with preserved lung function? NEJM 2022; doi :10.1056/NEJMe2210347

(2) M.K. Han et al. Bronchodilators in tobacco-exposed persons with symptoms and preserved lung function. NEJM 2022 ; doi: 10.1056/NEJMoa2204752

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr