ON ESTIME que de 4 à 8 % des femmes enceintes souffrent d’asthme. Les probabilités que la maladie reste stable, s’aggrave ou s’améliore durant la grossesse sont considérées comme équivalentes. En réalité, la gravité de l’asthme chez la femme enceinte est généralement liée à sa sévérité avant la grossesse. Une dégradation est observée chez 44 à 83 % des patientes ayant un asthme sévère. Ce sont surtout ces femmes qui doivent impérativement être contrôlées au mieux et ce dès le début de la grossesse. Il est aussi nécessaire de veiller au contrôle rapide des exacerbations chez des patientes ayant un asthme modéré. Une étude a en effet montré que 17 % des patientes considérées comme ayant un asthme stable et 8 % de celles considérées comme « améliorées » ont eu recours aux urgences pour une crise d’asthme pendant leur grossesse (1). Les exacerbations surviennent généralement après le premier trimestre, avec un pic autour de la 24 e semaine. « Il faut éviter à tout prix des épisodes d’hypoxie chez la femme enceinte, car ils exposent égalæment le ftus à une hypoxie, souligne le Dr Prudhomme. Si, chez l’adulte, la baisse de la saturation en oxygène suit une courbe d’abord en plateau puis descendante, elle est linéaire, sans plateau initial, chez le ftus ; toute hypoxémie, même modérée, chez la mère entraîne une désaturation nette chez l’enfant à naître ».
Mobilisation.
Alors que le contrôle optimal de l’asthme est nécessaire pendant la grossesse, les traitements sont souvent diminués, voire arrêtés, chez les femmes enceintes, par crainte ou ignorance des conséquences de ce choix. C’est pour mobiliser ensemble les généralistes, les obstétriciens et les pneumologues, qu’a été mise en route une étude prospective qui va, à la fois, sensibiliser ces médecins au bon contrôle de l’asthme des femmes enceintes et fournir des enseignements sur les modalités de la prise en charge. L’objectif final, rappelle le Dr Prudhomme est « de mesurer l’impact d’une intervention de formation sur le suivi de patientes asthmatiques au cours de la grossesse sur la morbidité maternelle et ftale ».
Une première phase de faisabilité a été réalisée à Tarbes. Les médecins généralistes ont été invités à consigner dans un registre toutes les femmes enceintes consultant dans leur cabinet et à proposer à celles souffrant d’un asthme de participer à l’étude. Elles devaient alors être adressées de façon systématique à 24 et 36 semaines d’aménorrhée à un pneumologue, une troisième visite étant prévue trois mois après l’accouchement. Les obstétriciens ont également été contactés afin qu’ils orientent, aux mêmes périodes, les femmes enceintes asthmatiques aux pneumologues. Ces derniers ont bien entendu été mobilisés, puisque ce sont eux qui remplissent les trois questionnaires systématiques concernant la symptomatologie et les traitements des femmes enceintes asthmatiques ayant accepté de participer à l’étude. L’ensemble des médecins participants a reçu un petit dossier de formation sur la prise en charge des femmes enceintes asthmatiques, ainsi que les formulaires d’inclusion et des carnets de soins pour les patientes, où elles doivent consigner, une fois par mois, leurs symptômes et leur traitement.
Cette étude dénommée « Asthme et grossesse » va maintenant être élargie à l’ensemble des pneumologues. Elle leur sera présentée dans le prochain numéro d’« Info-Respiration ». Elle devrait contribuer à améliorer la prise en charge de ces patientes tout au long de la grossesse, en s’appuyant sur les symptômes habituels et sur la mesure du débit expiratoire de pointe (DEP). « Si l’asthme est bien contrôlé, il n’y a pas lieu de modifier le traitement, sauf si les molécules utilisées sont déconseillées (voir encadré) , souligne le Dr Pruhomme. Si tel n’est pas le cas, il faut impérativement réadapter le traitement. La grossesse est également l’occasion d’arrêter le tabac en mettant en avant les risques pour l’enfant », rappelle-t-elle.
› Dr MARINE JORAS
(1) Schatz M et al. J Allergy Clin Immunol 1988;81:509-517.
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