La prévention contre les infections pneumococciques

Une lutte sans merci

Publié le 21/10/2009
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LE PNEUMOCOQUE est à l’origine de multiples pathologies au niveau des voies aériennes (otites moyennes aiguës (OMA) et pneumonies) mais aussi via un passage sanguin (bactériémies) au niveau cérébral (méningites). « Ces pathologies sont surtout sévères chez le nourrisson et le jeune enfant, souligne le Pr Daniel Lesbros. Ainsi, 70 % des méningites à pneumocoques surviennent avant 2 ans avec un premier pic de survenue entre 4 et 6 mois. Elles sont suivies d’un décès dans près de 11 % des cas et laissent des séquelles dans 30 % des cas qui peuvent être neurologiques et/ou auditives. C’est la première cause de surdité acquise chez l’enfant. »

La vaccination avec le vaccin heptavalent conjugué antipneumococcique (Prevenar) implantée depuis presque dix ans aux États-Unis, un peu plus récemment en Europe et présent maintenant dans environ 40 pays, a complètement modifié l’épidémiologie des infections pneumococciques. Plusieurs études réalisées aux États-Unis et dans différents pays européens ont permis de mettre en évidence une diminution de 70 à 90 % de l’incidence des méningites et infections invasives à pneumocoques depuis la mise en place de la vaccination.

Une diminution de l’incidence des pneumonies à pneumocoques (60 à 70 %) ainsi que des OMA à pneumocoques (30 à 40 %) est aussi constatée. Par ailleurs, en plus d’un effet incontestable chez les enfants vaccinés à partir de 2 mois, la vaccination est aussi responsable d’une diminution du portage nasopharyngé de pneumocoques correspondant aux 7 sérotypes inclus dans le vaccin (4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F) et d’une moindre prévalence des pneumocoques antibiorésistants. Par un effet d’immunité de groupe, on note aussi moins d’infections pneumococciques chez les sujets âgés de plus de 65 ans et chez les nourrissons non encore vaccinés de moins de 2 ans. Cependant, ces résultats très positifs s’accompagnent d’une modification de l’écologie bactérienne du pneumocoque avec disparition de certains sérotypes et émergence de certains autres.

Évolution et adaptation.

Avec des fluctuations d’incidence naturelles, et sous la pression des antibiotiques et de celle de la vaccination, une évolution de l’épidémiologie du pneumocoque a été observée depuis quelques années. En effet, rappelle le Pr Lesbros : « Le pneumocoque installé dans sa niche écologique (le rhinopharynx des jeunes enfants), subit différents événements qui vont modifier son écologie. D’une part, la pression sélective des antibiotiques entraîne la disparition des pneumocoques sensibles au profit des souches résistantes. D’autre part, sous la pression vaccinale, les souches de sérotype vaccinal disparaissent et ne persistent que les pneumocoques de sérotypes non inclus dans le vaccin heptavalent. En conséquence, quand les deux phénomènes s’additionnent, il en résulte inévitablement une augmentation des souches de sérotypes non vaccinaux avec une sensibilité diminuée à la pénicilline. »

Cette analyse est confirmée par des « observations terrain ». Ainsi, l’Observatoire des méningites bactériennes de l’enfant (Lévy C. et coll. Arch Pediatr. 2008 Dec ; 15 Suppl 3:S99-S104) a constaté entre 2001 et 2007 une diminution de 64 à 23 % des méningites pneumococciques à sérotypes vaccinaux. En parallèle, des sérotypes non vaccinaux se sont développés (1, 3, 5, 6A, 7F et 19A). De même, l’Observatoire du portage nasopharyngé a mis en évidence, en comparant les périodes pré- et post-vaccinales, une diminution importante des pneumocoques résistants aux antibiotiques parmi les sérotypes vaccinaux (6B, 14, 23F, 19F).

En revanche, la prévalence de certains sérotypes non vaccinaux, tel le sérotype 19A, a augmenté ces dernières années. « Ce sérotype 19A est devenu prévalent dans le nasopharynx des jeunes enfants, il est assez pathogène dans les méningites et les pneumonies, et il est souvent résistant aux antibiotiques ».

Ces modifications de l’épidémiologie du pneumocoque ont conduit les laboratoires Wyeth a développé un nouveau vaccin qui, en plus d’être actif contre les 7 sérotypes inclus dans le vaccin heptavalent Prévenar (PCV7), agit aussi sur les 6 sérotypes dont la prévalence a augmenté récemment (1, 3, 5, 6A, 7F et 19A). Le nouveau vaccin (PCV13) apportera un gain complémentaire important de protection estimé à + 48 % dans les méningites, +47 % dans les bactériémies, + 36 % dans les OMA et + 66 % dans les pleuropneumopathies. Ce vaccin devrait être disponible début 2010 et remplacera progressivement le vaccin heptavalent. Il est intéressant de noter que des études (Grimprel E. et al. ESPID 2009) ont montré que lorsque la primovaccination est réalisée avec le PCV7, le rappel effectué avec le PCV13 assure une bonne protection non seulement vis-à-vis des 7 sérotypes de PCV7 mais aussi contre les sérotypes supplémentaires du PCV13. De même, le schéma de rattrapage qui était recommandé pour le PCV7 peut être utilisé pour le PCV13 (Wysocki J et al. ESPID 2009)

Respecter le schéma vaccinal.

« Dans un premier temps, remarque le Pr Daniel Lesbros, nous avons vu disparaître les méningites à haemophilus, maintenant nous avons une arme efficace contre les méningites et autres infections à pneumocoques. Cependant, pour que la vaccination antipneumococcique soit totalement efficace, il faut l’utiliser précocement et selon le schéma vaccinal complet recommandé en France (1 dose à 2 mois, 1 dose à 4 mois et un rappel à l’âge de 12 mois). » Depuis avril 2009, le schéma a été simplifié dans le nouveau calendrier vaccinal avec 2 doses au lieu des 3 précédemment préconisées. La raison de cette modification est simple : avec ce schéma, une même efficacité est obtenue. Il n’y a donc pas lieu de multiplier les injections toujours désagréables chez un jeune enfant. Le Pr Lesbros conclut en insistant sur l’intérêt capital du rappel à 12 mois, indispensable pour « booster » la production d’anticorps contre l’ensemble des sérotypes vaccinaux et optimiser (ou favoriser) l’immunité de groupe.

Rendez-vous du « Quotidien du Médecin » organisé à Nîmes, avec la participation du Pr Daniel Lesbros (Service de pédiatrie, CHU-Nîmes) et le soutien institutionnel des Laboratoires Wyeth.

YVONNE ÉVRARD

Source : lequotidiendumedecin.fr