Le valproate (VPA) est prescrit depuis 1966, d’abord dans l’épilepsie puis, 2 ans plus tard, dans les troubles bipolaires. Ses effets indésirables neurologiques, hépatiques, pancréatiques, métaboliques ont été rapidement connus, suivis du risque de tératogénicité, dose-dépendant, avec des malformations diverses dominées par le spina bifida. Ce n’est qu’en 2009 qu’a été mise en évidence la diminution du QI chez les enfants nés de mères traitées par le valproate, et en 2013 le risque de retard neuro-développemental, avec un surrisque majeur de développer des troubles du spectre autistique.
Cela a amené l’ANSM à restreindre, en mai 2015, l’utilisation du valproate et de ses dérivés chez les femmes enceintes ou susceptibles de l’être, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux autres alternatives médicamenteuses (situation finalement rare) et dans ce cas dans des conditions de prescription très strictes. L’an dernier, l’EMEA s’est montrée encore plus restrictive, en contre-indiquant le VPA chez toutes les femmes bipolaires en âge de procréer et en ne gardant une possibilité que dans les épilepsies sans autre choix thérapeutique.
Un contexte de déclin du lithium…
Une étude observationnelle a été menée d’après les données de l’Assurance-Maladie sur l’exposition à l’acide valproïque et ses dérivés au cours de la grossesse en France. De 2007 à 2014, le nombre de grossesses sous VPA diminué de 42 %, mais bien plus dans l’épilepsie (— 57%) que dans les troubles bipolaires (— 18%) vraisemblablement en raison d’une offre médicamenteuse plus large. Alors que, dans les troubles bipolaires, le lithium a été de moins en moins prescrit dans les 30 dernières années, du fait du risque d’insuffisance rénale. « Dans le contexte français, on est au cœur de la problématique avec une prescription importante du valproate et des antidépresseurs au détriment du lithium et des antipsychotiques », remarque le Dr Marc Masson (Clinique du Château, Garches).
…Mais des données d’efficacité limitées
Les stabilisateurs de l’humeur sont intéressants en cas de polarité maniaque prédominante, de comorbidités somatiques ou de cycles rapides. Le valproate est indiqué dans le traitement curatif de la manie et de l’hypomanie, malgré des données limitées, et en traitement de maintenance, bien que les preuves de son efficacité soient peu nombreuses. D’ailleurs, l’étude Balance a en 2010 a remis en avant l’intérêt du lithium, en montrant que dans les troubles bipolaires de type 1, les rechutes sont plus nombreuses sous valproate que sous lithium et que l’association des deux n’amène aucun bénéfice supplémentaire par rapport au lithium seul.
Comment traiter en période de grossesse ?
« Il ne saurait être question de laisser les femmes en âge de procréer sans traitement, la grossesse constituant un moment particulièrement critique, avec un risque de rechute de 66 % en l’absence de traitement prophylactique, contre 23 % sous traitement », alerte le psychiatre. Un collège d’experts européens s’est penché sur la question en 2019. Généralement, le switch avec une autre molécule se fait de façon progressive, plus rapide si la grossesse sous valproate est découverte de façon fortuite au 1er trimestre où le risque tératogène est maximal.
La situation idéale est celle d’une patiente stable qui planifie sa grossesse, et chez qui on peut envisager la diminution du valproate en 1 à 6 mois. Si le risque de rechute est élevé, on propose en première intention de switcher pour le lithium en cas de polarité maniaque prédominante ou la lamotrigine si la polarité dépressive prédomine, pour des antipsychotiques de 2e génération en 2e intention. « La prise en charge de la manie ou de la dépression du post-partum est fondamentale, rappelle le Dr Masson. On doit réintroduire le traitement durant le 3e trimestre ou après l’accouchement pour le valproate. »
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