Alors que les Assises de la santé mentale ont été l'occasion de rappeler la fragilité de la jeunesse, la Haute Autorité de santé (HAS) publie de nouvelles recommandations de bonne pratique pour repérer et prendre en charge les enfants et adolescents avec idées suicidaires. Si les précédentes s'adressaient en 1998 au monde hospitalier, celles-ci entendent aider tous les professionnels en contact avec les enfants (dans le sanitaire, mais aussi le social, l'Éducation nationale et jusqu'aux décideurs publics) à prévenir ces souffrances. L'objectif est de réduire la fréquence des passages à l’acte, la mortalité, les incapacités résultant de tentatives de suicide (TS) et les récidives.
« Depuis plus de 30 ans, le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans et la 5e cause de mortalité chez les moins de 13 ans. En 2016, 26 décès par suicide ont été enregistrés chez les moins de 15 ans et 352 chez les 15-24 ans, soit des taux respectifs de 0,3 et 4,5 pour 100 000 habitants », rappelle la HAS, qui s'est auto-saisie de ce sujet, dans le cadre de son programme « Psychiatrie et santé mentale » 2018-2023.
Écouter et questionner pour repérer
La HAS insiste d'abord sur l'importance de prendre au sérieux les enfants qui émettent des idées suicidaires et de ne pas banaliser leurs dires. « Le repérage des enfants et des adolescents suicidaires repose sur une écoute active et un questionnement direct », qui n'induira pas, par lui-même, d'idées suicidaires, lit-on. Au-delà des propos suicidaires, les professionnels doivent aussi être alertés par un changement brutal du comportement, la consommation fréquente de drogue ou d’alcool ou les actes d’automutilation.
Les soignants (en première ligne, mais aussi dans les services d'urgence) doivent être particulièrement impliqués dans le repérage. À cette fin, ils ont à leur disposition plusieurs outils (qui ne remplacent pas l'écoute attentive ni le questionnement, insiste la HAS) : le Bullying Insomnia Tobacco Stress Test (BITS), qui aborde la qualité du sommeil, le stress lié au travail scolaire et à l’ambiance familiale, les maltraitances, le tabagisme, autant de questions qui devraient être systématiques ; l’Ask Suicide-Screening Questions(ASQ), qui cible directement les idées suicidaires ; et la Columbia Suicide Severity Rating Scale, qui évalue le risque potentiel de passage à l’acte à court, moyen ou long terme.
Distinguer urgence et vulnérabilité suicidaire
Dans un second temps, l'évaluation de la crise suicidaire doit être réalisée par des cliniciens formés. Concrètement, cela nécessite au moins un entretien avec le jeune seul dans un climat d'empathie et de bienveillance, complété si possible par le recueil d'informations auprès des parents ou d'autres sources (médecin scolaire, pédiatre, etc.) dans le respect du secret médical.
Si le mineur s’oppose à ce que ses parents soient contactés, le clinicien doit s’efforcer d’obtenir son consentement, mais si le jeune campe sur ses positions, il peut mettre en œuvre les soins nécessaires. Alors le mineur doit se faire accompagner d'un majeur de son choix.
La prise en charge et l'orientation dépendent ensuite de l'urgence (probabilité d'un passage à l'acte à court terme) ou de la vulnérabilité (à moyen ou long terme) suicidaires, à distinguer sans minorer la première. L'urgence se mesure à l'aune du niveau de souffrance psychique, de l'existence d’un scénario suicidaire, du niveau d’intentionnalité ou encore des facteurs dissuasifs. La vulnérabilité est liée aux facteurs de risque, tels que les antécédents ou difficultés d'ordre personnel et familial voire scolaire ou l’existence d’un trouble psychiatrique.
Si le risque d'une crise imminente est élevé, l’enfant ou l’adolescent est envoyé aux urgences ; s'il est moindre, il doit être orienté vers une prise en charge ambulatoire de deuxième ligne (centre médico-psychologique ou un centre médico-psycho-pédagogique, psychiatre libéral, maison des adolescents). Avec réévaluation possible à deux ou trois jours.
Coresponsabilité des urgentistes et psychiatres
En revanche, tout jeune qui a fait une TS récente doit être orienté vers un service d'urgence, quel que soit le niveau d’urgence suicidaire actuel.
À noter, la prise en charge des enfants et des adolescents suicidants et suicidaires dans les services d’urgence relève de la double responsabilité d’une part des urgentistes, et d’autre part des pédopsychiatres et des psychiatres. Ce qui suppose une étroite collaboration. Il est aussi recommandé de désigner un professionnel référent, garant de la cohérence de la prise en charge.
Enfin, après avoir précisé les modalités des prises en charge ambulatoire ou hospitalière, la HAS insiste sur l'intérêt d'un « plan de sécurité » pour éviter les récidives, avec notamment l'inclusion dans un programme VigilanS de recontact.
Le 3114, numéro national en ligne le 1er octobre
Gratuit, confidentiel, accessible 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, le 3114, numéro national de prévention du suicide ouvre ce 1er octobre. Cette ligne, tenue par des soignants formés et en lien avec le Samu, doit permettre une prise en charge des personnes avec idées suicidaires et prodiguer des conseils à des confrères en demande d'un avis spécialisé. Ce numéro vient s'ajouter aux autres outils de lutte contre le suicide, que sont le dispositif VigilanS, déployé dans toutes les régions avant la fin de l'année (il l'est dans 12 régions métropolitaines sur 13 et dans deux d’outre-mer) ou le programme Papageno, qui prévient la contagion suicidaire en jouant sur la communication dans les médias et réseaux sociaux.
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