Alors que la deuxième vague épidémique monte et que les hôpitaux risquent à nouveau la submersion, quelle place accorder au scanner pour rationaliser le diagnostic et le triage des patients atteints de Covid-19 ? Cette question a animé une partie des Journées francophones de radiologie. « L’imagerie médicale s’est révélée incontournable dans la pandémie de Covid-19 », affirme la société savante.
La Société française de radiologie (SFR) estime que le scanner permet d’évaluer la sévérité de la maladie, ses complications telles que l’embolie pulmonaire, ainsi que les diagnostics alternatifs. Dès avril, la Haute Autorité de santé (HAS) avait précisé les indications de l’examen dans la prise en charge de l’infection. En France, une stratégie du « tout scanner », avec des circuits Covid aux machines dédiées, a été mise en place avec un large recours au scanner faiblement dosé.
Pour la Pr Marie-Pierre Revel, du service de radiologie de l’hôpital Cochin, « le contraste naturel des poumons dispense de l’usage d’un scanner autre que l’ultrabasse dose, explique-t-elle. L’intelligence artificielle permet de débruiter les images obtenues avec de faibles doses et d’améliorer leur qualité. Un patient de plus de 50 ans avec une suspicion de Covid ne doit pas être privé d’un tel examen, l’irradiation étant très faible ».
L’infection Covid-19 a des caractéristiques au scanner qui la distingue nettement d’un œdème pulmonaire aigu ou d’une pneumopathie bactérienne infectieuse. Ses particularités sont des opacités en verre dépoli, souvent bilatérales, avec une distribution périphérique. Un épaississement vasculaire est aussi un signe qui différencie l’infection de la pneumonie virale classique.
En France, des données concluantes
Que disent les données de la littérature sur le scanner ? En avril 2020, métaanalyse sud-coréenne (1) publiée dans la revue « Radiology » était peu optimiste quant à l’intérêt du scanner dans le diagnostic de Covid-19. Les auteurs concluaient à une sensibilité poolée de 94 % pour un scanner thoracique, mais une spécificité de 37 %. Compte tenu de la prévalence de la maladie, les auteurs avaient estimé la valeur prédictive positive serait de 1,5 à 30,7 % selon les pays, et une valeur prédictive négative de 95,4 % à 99,8 %.
Ces chiffres ont été depuis débattus, notamment en France où un réseau Covid imagerie collecte les données d'imagerie provenant de patients chez qui une infection par le SA imagerie collecte les données d’imagerie provenant de patients chez qui une infection par le SARS-CoV-2 a été suspectée. Le 1er septembre dernier, l’équipe du Dr Guillaume Herpe, chef de clinique au service de radiologie du CHU de Poitiers et coordinateur principal du réseau Covid Imagerie, a publié une évaluation de la performance du scanner (2) tel qu’il a été utilisé en France au cours de la première vague de l’épidémie
Entre le 2 mars et le 24 avril 2020, 26 hôpitaux ont fourni les données sur 4 824 patients symptomatiques à qui un scanner thoracique a été prescrit 48 heures avant que le Covid-19 n’évolue en pneumonie et chez qui une RT-PCR a également été réalisée. Pour évaluer la sensibilité et la spécificité du scanner thoracique, les auteurs ont comparé les résultats du scanner seul à celui du diagnostic final obtenu à l’aide d’un test multiparamétrique incluant un examen clinique, la PCR et le scanner. « Le scanner a donc en partie été comparé à lui-même », explique au « Quotidien » le Dr Herpe.
Le diagnostic final a conclu que 2 564 des 4 824 patients de l’étude étaient positifs pour le Covid-19, soit 53 % de l’effectif. En se basant seulement sur le scanner, 2 319 d’entre eux auraient été diagnostiqués, soit une sensibilité de 90 %, une spécificité de 91 %, une valeur prédictive négative de 89 % et une valeur prédictive positive de 92 %. Dans 103 cas, le scanner concluait à une infection du SARS-CoV-2 en contradiction avec un test PCR négatif, et une seconde PCR avait finalement montré que le scanner avait raison.
Un outil à ne pas utiliser seul
Le scanner seul peut-il diagnostiquer l’infection Covid-19 ? Pas si sûr. « Un autre de nos papiers doit bientôt être publié, sur des scanners réalisés dans les mois qui ont suivi la crise. À ce moment-là, on a pu les comparer au gold standard qu’est la PCR, la sensibilité est alors bien moindre, prévient le Dr Herpe. Le scanner est un très bon outil de triage, mais seul, il n’est pas suffisant pour le diagnostic. Idéalement, il faut le coupler à une PCR qui permet d’avoir une spécificité de 99 %. L’imagerie a la vertu de donner un pronostic et l’étiologie de la maladie. »
L’utilisation du scanner est « très dépendante du contexte épidémiologique local, poursuit le Dr Herpe. Cet été, nous n’avons pas fait un seul scanner car nous avions peu de malades et pas besoin de triage. Dans des cliniques privées, au contraire, le scanner a parfois été utilisé sans PCR pour établir des diagnostics. »
La SFR identifie une autre variable très importante : la disponibilité des scanners. Elle dénonce le sous-équipement de la France qui compte 10 machines pour 1 million d’habitants, soit 10 fois moins qu’en Allemagne et 9,5 fois moins qu’au Japon.
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(1) H Kim et al, Radiology, doi: 10.1148/radiol.2020201343, avril 2020
(2) G Herpe et al, doi: 10.1148/radiol.2020201343, septembre 2020
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