JFR 2022 : cap sur le numérique pour la radiologie

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Publié le 30/09/2022

Crédit photo : S.Toubon

C'est sur le numérique dans le parcours des patients que les Journées francophones de radiologie (JFR) mettent l'accent pour leur édition 2022. Endométriose, imagerie en psychiatrie, dépistage du cancer du poumon, fertilité masculine ou encore trousse de secours de l'espace, d'autres thèmes d'actualité seront présentés lors des journées de la Société française de radiologie (SFR), qui auront lieu du 7 au 10 octobre au palais des Congrès de Paris.

L'axe phare du numérique a été suivi jusque dans l'organisation des journées avec une articulation habile du digital et du présentiel.  « Le congrès se déroule en 100 % présentiel après une préparation en digital, a expliqué en conférence de presse le Pr Alain Luciani de l'hôpital Henri-Mondor à Créteil (AP-HP), vice-président des JFR 2022. Toute la construction du programme s'est faite en numérique. »

Alors que les radiologues sont impliqués à la fois dans le dépistage, le diagnostic, le suivi (oncologie, sclérose en plaques, etc.) et de façon croissante dans le traitement (radiologie interventionnelle), comment partager les données d'imagerie numériques avec les spécialistes, les médecins généralistes et les patients ? « Au sortir de la première vague de Covid, le Ségur de la santé consacre 2 milliards d'euros d'investissement pour le numérique, jamais un tel montant n'a été alloué », rappelle Olivier Clatz, directeur du Ségur du numérique.

Logiciels pour le partage des données

Le programme vise à généraliser les échanges entre professionnels de santé et patients. « Le Ségur du numérique en santé porte une ambition de rupture : atteindre une masse critique d'échanges numériques rendant tout retour en arrière impossible, explique-t-il. Quand un patient consulte, il sort avec du papier. L'objectif est de passer de moins de 1 % des données numériques échangées sous format numérique à plus de 50 % en 3 ans. » Cela correspond à passer d'environ 500 millions de documents échangés sous format papier à 250 millions sous format numérique d'ici à 2023. Autrement dit, atteindre quatre documents/citoyen/an d'ici à 2023.

La transition passe par le financement des logiciels et des usagers (médecins, pharmaciens, etc.), le forfait structure mais aussi la réglementation du numérique pour le parcours de soins. « Comptes rendus de radiologie, de biologie, prescriptions, tout cela devrait être disponible pour les patients dans leur espace santé », explique Olivier Clatz. Les radiologues se sont lancé les premiers sur ce chantier, un groupe de travail mixte (libéraux et publics) s'est très vite constitué. « Il y a déjà eu entre 50 et 100 réunions entre les radiologues et les éditeurs de logiciels, poursuit le responsable du numérique. Plus de 80 % des éditeurs en radiologie sont impliqués dans la vague de financement, c'est un signe fort de l'engagement de l'écosystème. »

Les premiers résultats sont tangibles avec une multiplication par 10 des échanges au cours de la première année, les documents partagés étant passés de 6 à 60 millions. Le déploiement complet est prévu dans les 8 mois. « Les JFR tombent en plein dans la zone charnière, au milieu de la fenêtre », souligne Olivier Clatz. « Il s'agit dans les mois à venir de multiplier l'activité par trois à quatre, résume-t-il. Les radiologues sont les plus gros fournisseurs avec les biologistes. »

Des acteurs essentiels dans l'endométriose

L'implication des radiologues est également mise en avant dans un autre domaine porté par le gouvernement, l'endométriose. Alors que le diagnostic est porté par la triade examen clinique-échographie endovaginale-IRM pelvienne, il y a eu « de gros efforts pour la formation des radiologues », souligne la Pr Isabelle Thomassin de l'hôpital Tenon (AP-HP), rappelant que « les premières descriptions d'endométriose profonde remontent à 20 ans ». L'information doit être reproductible et un lexique formalisé pour la description des images doit être publié dans les jours à venir. « Les radiologues donnent une information plus complète aux patientes avant la décision de chirurgie », souligne-t-elle, ajoutant que « des techniques de cryothérapie en radiologie interventionnelle sont de plus en plus utilisées pour traiter l'endométriose localisée ».

Des perspectives en psychiatrie

En psychiatrie également, les radiologues peuvent être davantage mis à contribution à la fois pour le diagnostic différentiel et le diagnostic positif. Entre 1 à 2 % des patients admis en psychiatrie souffre d'un trouble associé à une atteinte organique. « Des maladies neurologiques telles que la sclérose en plaques peuvent se présenter comme des maladies psychiatriques, rappelle le Pr Jean-Pierre Pruvo du CHRU de Lille. Une IRM cérébrale est recommandée pour un premier épisode psychiatrique. »

L'IRM fonctionnelle peut aider au diagnostic positif des troubles bipolaires, de la schizophrénie ou encore de l'autisme. « Il existe des biomarqueurs spécifiques de la maladie », indique le radiologue. L'IRM fonctionnelle de repos permet d'analyser les modifications de connectivité fonctionnelle cérébrale via le signal Bold au cours du temps, qui repose sur la concentration locale de désoxyhémoglobine. Cette concentration fluctue en fonction de l'activation de la région cérébrale étudiée.

Une IRM prédictive dans la fratrie avant tout symptôme permettrait de prévenir et de mettre en place des mesures de psychoéducation. « L'imagerie permet de donner un diagnostic précis au patient et à sa famille, c'est une grande étape », estime le Pr Pruvo, qui plaide pour un accès au plus grand nombre de ces examens plus longs (40 à 45 minutes).

Préparer le dépistage du cancer du poumon

Ces deux dernières années, des études européennes ont confirmé les bénéfices du dépistage du cancer du poumon par scanner à faible dose : il réduit la mortalité de 26 à 39 % chez les hommes et jusqu'à 59 % chez les femmes. Et ce avec un risque de faux positifs de seulement 2 %, venant rassurer la Haute Autorité de santé qui, après avoir freiné en 2016, a demandé de lancer des études d'implémentation en février 2022. L'Institut national du cancer (Inca) est en charge de la mise en place d’une étude pilote nationale qui devrait débuter en 2023.

« De son côté, l'AP-HP a lancé en avril 2022 l'étude Cascade, explique la Pr Marie-Pierre Revel de l'hôpital Cochin. Cette étude menée exclusivement chez les femmes a pour objectif principal la validation de la lecture des scanners : lecture unique, aidée par une solution d'intelligence artificielle, et non une double lecture. » Pourquoi le choix de cibler les femmes ? « Parce que jusque-là les études ont inclus majoritairement des hommes et que des réponses sont attendues à l'international chez les femmes, défend-elle. Le bénéfice sur la mortalité semble plus élevé chez elles. Or, le cancer du poumon ne concerne pas que les hommes, le tabagisme féminin augmente et l'incidence a doublé chez les femmes en 20 ans selon l'étude KBP. Et à exposition égale, le risque de cancer du poumon est 1,7 fois plus élevé chez les femmes. »

Parcours organisé pour l'infertilité masculine

Les hommes ont leurs spécificités parfois insuffisamment connues. C'est le cas pour l'infertilité masculine, dont l'incidence augmente mais pour laquelle le parcours n'est pas fléché. « La voie d'entrée passe toujours par le gynécologue de la femme », explique la Pr Laurence Rocher de l'hôpital Antoine-Béclère à Clamart (AP-HP), où a été mis en place un parcours organisé multidisciplinaire incluant le biologiste, le radiologue, l'uro-andrologue au sein du centre d'assistance médicale à la procréation.

Autre challenge, lancé en 2021 : préparer une trousse de secours pour la mission sur Mars pour le Centre national d'études spatiales (Cnes). « Le voyage de six mois ne permet pas de rapatriement, explique le Pr Vincent Vidal de l'AP-HM. La radiologie interventionnelle a été choisie comme outil pour le médecin embarqué. » Les astronautes sont plus à risque de colique néphrétique, et le pronostic vital peut être engagé en cas de pyélonéphrite aiguë obstructive. « Il n'y a rien de plus simple que de dériver un rein pour un médecin formé », explique le Pr Vidal. Six équipes ont travaillé « de façon étonnante, avec des idées incroyables » sur le projet de trousse de secours, où tout tient dans 1 m3.

Pour en savoir plus, retrouver le Congrès hebdo du « Quotidien » à paraître le 18 novembre.

Source : lequotidiendumedecin.fr