Rhumatismes inflammatoires

Comment Helicobacter pylori exacerbe la polyarthrite rhumatoïde

Publié le 30/09/2024
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Une étude récente a permis d’identifier un nouveau mécanisme pouvant expliquer l’association positive entre infection à Helicobacter pylori et sévérité de la polyarthrite rhumatoïde. En confortant son rôle délétère potentiel dans la progression de la maladie, ces résultats soulèvent la question du dépistage et du traitement de l’Helicobacter chez les sujets atteints de PR.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-immune d’origine multifactorielle à la fois génétique et environnementale. Le microbiote joue un rôle important, à la fois dans le développement et la sévérité de la maladie. L’infection à Helicobacter pylori (HP) est très fréquente, touchant plus de la moitié de la population. Elle est responsable du développement de certains cancers comme le cancer de l’estomac. Son rôle dans la PR est encore controversé. Des travaux ont montré une association positive entre infection à HP et sévérité de la PR. De plus, quelques travaux suggèrent que l’éradication d’HP améliorerait l’évolution de la PR. Cependant, les mécanismes moléculaires et cellulaires du rôle d’HP dans le développement de la PR ne sont pas connus.

Une étude récente (1) a permis d’identifier un nouveau mécanisme qui pourrait être impliqué.

Le rôle clé des anticorps anti-peptide citrulliné

Dans ce travail, les auteurs montrent que les patients PR infectés à HP (n=39) ont une maladie plus sévère, définie par un score d’activité DAS28 plus élevé, et un taux d’anticorps anti-peptide citrulliné (ACPA) plus élevé que les patients PR non infectés par HP (n=42).

La citrullination des peptides est une modification post-traductionnelle des protéines dépendantes des déaminases peptidylarginine (PAD) dont il existe 6 isoformes (PAD 1 à 6). Dans les modèles cellulaires, les ACPA isolés des patients PR HP+ stimulent de façon plus importante la prolifération des synoviocytes et la production des cytokines inflammatoires IL-6 et IL-8 par rapport à des ACPA isolés des patients PR HP négatif. L’infection à HP d’une lignée de cellule épithéliale gastrique (GES-1) induit l’expression et l’activité de la PAD4. Par ailleurs, la concentration de PAD4 est plus élevée dans le sérum et le liquide articulaire des patients PR HP+ que celle des patients PR HP négatif. L’infection par HP augmente la production des espèces réactives de l’oxygène (ERO) et l’expression du facteur de transcription HIF-1α qui augmente la transcription du gène codant pour PAD4. L’inhibition des ERO ou de HIF-1α réduit l’expression génique de PAD4. Finalement, les auteurs montrent que PAD4 stimule la citrullination de la kératine 1 et que les patients PR HP+ ont un taux d’ACPA anti-kératine 1 dans le sérum et le liquide articulaire plus élevé que les patients PR HP négatif.

Ces résultats suggèrent que les ACPA anti-kératine 1 pourraient se lier aux kératines 1 citrullinées des synoviocytes et favoriser leur prolifération et la production des cytokines inflammatoires, et par conséquent le développement ou l’activité de la PR.

Vers une recherche d’HP plus systématique ?

Ainsi, l’éradication d’HP pourrait améliorer l’évolution de la PR des patients infectés. Sa recherche puis son éradication pourrait être proposées lors du diagnostic de la PR et/ou lors des échappements thérapeutiques.

Référence

1. Wu, H. et al. Helicobacter pylori upregulates PAD4 expression via stabilising HIF-1α to exacerbate rheumatoid arthritis. Ann. Rheum. Dis. 2024. doi:10.1136/ard-2023-225306

Pr Hang Korng Ea, hôpital Lariboisière, Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr