Rôle de l’inflammation

Crise de goutte : hausse transitoire du risque d’événements cardiovasculaires

Publié le 15/02/2023
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Selon les résultats d’une analyse rétrospective britannique (1), l’inflammation déclenchée par les crises de goutte augmenterait de façon transitoire le risque d’événements cardiovasculaires (CV), tels que les infarctus du myocarde (IDM) ou les accidents vasculaires cérébraux (AVC).

Crédit photo : SCIENCE SOURCE/PHANIE

L’inflammation vasculaire est un facteur essentiel dans la progression de l’athérosclérose et la survenue des événements CV. Trois études ont montré le bénéfice d’une réduction de l’inflammation dans la prévention des événements CV, en utilisant soit une faible dose de colchicine (2, 3), soit le canakinumab (4), un anticorps monoclonal dirigé contre l’interleukine-1 (IL-1). Ces médicaments ne diminuent pas le taux sanguin des lipides et n’ont pas de pouvoir antiagrégant, suggérant que l’effet cardioprotecteur est inhérent à la baisse de l’inflammation en diminuant la production de l’IL-1β, de l’IL-6 et de la protéine C réactive (CRP). Les patients souffrant de maladies inflammatoires ou auto-immunes ont un risque plus élevé d’événements CV. Les crises de goutte dépendent de la production de l’IL-1β, également impliquée dans l’inflammation vasculaire de l’athérosclérose. 

Plus de 60 000 patients britanniques analysés

Une étude rétrospective, récemment publiée, s’est fixée pour objectifs d’évaluer le risque d’événements CV au décours d’une crise de goutte. Les auteurs se sont servis de la base de données électronique britannique (UK Clinical Practice Research Datalink-CPRD), qui recueille de façon anonyme les données de santé d’environ 15 millions de patients britanniques. Ils ont ainsi réalisé une étude cas-témoins et une étude cas-auto-contrôle (chaque cas servant de propre contrôle). Les analyses ont été menées entre le 1er janvier 1997 et le 31 décembre 2020. Dans l’étude cas-témoins, 10 475 patients nouvellement diagnostiqués de la goutte et ayant développé un événement CV (IDM ou AVC) ont été appariés à 52 099 patients goutteux indemnes d’événement CV (selon l’âge, le sexe et le délai entre le diagnostic de goutte et la survenue de l’événement CV). La prévalence des crises de goutte a été calculée par période de deux mois précédant l’événement CV. La prévalence six mois avant l’événement servait de référence. 

Un risque cardiovasculaire plus élevé

Après ajustement multivarié (sur la consommation alcoolique, le tabac, l’indice de masse corporelle, les comorbidités, les facteurs de risque CV et socio-économiques), les patients ayant eu un événement CV avaient davantage de risque de déclarer une crise de goutte dans les 60 jours précédents. La prévalence de crise atteignait 2 %, versus 1,4 % chez les sujets indemnes d’évènement CV (OR = 1,93 [IC95 % 1,57-2,38]). Le risque de crise de goutte restait significativement plus élevé entre deux et quatre mois avant l’événement CV (OR = 1,57 [IC95 % 1,26-1,96]).

Ces résultats étaient confirmés par la deuxième étude cas-auto-contrôle. Elle a analysé 1 421 patients avec crise de goutte et événement CV, sur une période de 720 jours. Un taux d’événement CV de 2,49 pour 1000 personnes-jour était observé dans les deux mois suivant la crise de goutte, versus 1,32 pour 1000 personnes-jour sur les périodes de référence (150 jours avant la crise ou au-delà de six mois après la crise).

Ces données suggèrent que l’inflammation déclenchée par les crises de goutte augmente de façon transitoire le risque d’un événement CV (IDM ou AVC). Elles incitent ainsi à optimiser les mesures préventives des maladies CV, au décours d’une crise de goutte.

Les mécanismes de cette association, entre crise de goutte et évènement CV, ne sont pas connus. Les limites de ce travail sont inhérentes aux études rétrospectives, avec les risques d’un report non exhaustif des crises de goutte, en particulier des patients avec automédication. De plus, la sévérité de la goutte n’était pas recueillie, en particulier la présence ou non des tophus, qui est associée au risque d’événement CV.

(1) Cipolletta E et al, Association between gout flare and subsequent cardiovascular events among patients with gout. JAMA 2022 Aug 2;328(5):440-450.
(2) Tardif JC et al. Efficacy and safety of low dose colchicine after myocardial infarction. N Engl J Med 2019 Dec 26;381(26):2497-2505.
(3) Nidorf SM et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease. N Engl J Med 2020 Nov 5;383(19):1838-1847.
(4) Ridker PM et al. Anti-inflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. N Engl J Med 2017 Sep 21;377(12):1119-1131.

Pr Hang Korng Ea

Source : lequotidiendumedecin.fr