Récemment, une analyse rétrospective britannique avait suggéré un risque accru des événements cardiovasculaires (CV) au décours d’une crise de goutte. Le risque relatif d’avoir un événement CV, tel qu’un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral, était augmenté de 70 % et persistait pendant les quatre mois suivant la crise de goutte (1). Ces résultats mettaient en avant le rôle de l’inflammation secondaire aux dépôts de cristaux d’urate, dans la pathogénie de l’athérosclérose, en particulier la rupture des plaques. Ils sont confortés par d’autres études, mettant en évidence une association entre l’inflammation systémique secondaire à une grippe sévère et la survenue d’événements CV. Inversement, des traitements diminuant l’inflammation par la colchicine faible dose, ou l’anticorps monoclonal anti-IL-1 (canakinumab), sont associés à une réduction des événements CV (2-4).
Ces médicaments ne modifient pas le profil lipidique et n’ont pas de pouvoir antiagrégant, suggérant que l’effet cardioprotecteur est inhérent à la baisse de l’inflammation. Les crises de goutte dépendent de la production de l’IL-1β, cytokine impliquée dans l’inflammation vasculaire de l’athérosclérose.
Une étude sur plus de 20 ans et près de 1 000 patients
Dans une étude australienne, le risque d’événements CV majeur dans les 30 jours après une hospitalisation pour crise de goutte a été comparé au risque survenant dans l’année précédant l’hospitalisation et celle suivant le délai d’un mois à la sortie de l’hôpital, soit sur une période de contrôle combinée de 730 jours (5). Chaque patient était son propre témoin entre les deux périodes de contrôle. Les sujets présentant des événements CV durant l’hospitalisation ont été exclus, ce qui peut sous-estimer le risque CV lié aux crises de goutte. L’analyse a été réalisée sur une base de données nationale, qui recense toutes comorbidités et mortalités des hospitalisations publiques et privées de l’ouest de l’Australie. Elle a été effectuée sur une période de 21 ans, de 1991 à 2012. Au total, 1 000 patients ont été hospitalisés pour une crise de goutte. Parmi eux, 13 ont eu un événement CV pendant l’hospitalisation et ont été exclus de l’analyse. Sur les 987 patients inclus (75,9 ans d’âge moyen), 67 % étaient des hommes et 57 % avaient des antécédents CV.
Un risque accru dans le mois suivant la crise
Il a été observé 120 événements CV dans les 30 jours suivant l’hospitalisation et 941 dans la période de contrôle combinée, soit respectivement un taux de 1,48 et 0,85 événements par personne année. Le risque relatif des événements CV était augmenté de 70 % dans les 30 jours qui suivaient une crise par rapport aux périodes contrôles (RR = 1,70, IC95 % : 1,41-2,01).
Ces données confortent les résultats de l’étude britannique (1) et soulignent le rôle majeur de l’inflammation, déclenchée ici par les crises de goutte, dans la survenue des événements CV. Elles incitent ainsi à optimiser les mesures préventives des maladies CV, au décours d’une crise de goutte. Le traitement de la crise peut également être prolongé par une dose prophylactique de colchicine pendant la période où le risque CV est augmenté, soit durant au moins quatre mois.
1. Cipolletta E et al, Association between gout flare and subsequent cardiovascular events among patients with gout. JAMA 2022 Aug 2;328(5):440-450.
2. Tardif JC et al. Efficacy and safety of low dose colchicine after myocardial infarction. N Engl J Med 2019 Dec 26;381(26):2497-2505.
3. Nidorf SM et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease. N Engl J Med 2020 Nov 5;383(19):1838-1847
4. Ridker PM et al. Anti-inflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. N Engl J Med 2017 Sep 21;377(12):1119-1131
5. Lopez D et al. Risk of major adverse cardiovascular event following incident hospitalization for acute gout: a western Australian population-level linked data study. ACR Open Rheum 2023:0:0:1-7.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?