Ces dernières années, de nombreuses publications ont mis en avant les effets délétères des injections répétées de corticoïdes dans la gonarthrose. Notamment, une étude randomisée, publiée en 2017 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) (2). Elle comparait, dans la gonarthrose, des injections de corticoïdes tous les trois mois (quels que soient les symptômes des patients) pendant deux ans, versus des injections de sérum physiologique. « Les résultats de cette étude ont fait grand bruit ! Non seulement, ils montraient que les injections répétées de corticoïdes ne faisaient pas mieux que le placebo à deux ans. Mais, dans le groupe sous corticoïdes, l’IRM mettait aussi en évidence une perte en cartilage de 0,11 mm par rapport au bras placebo, suggérant un évenuel effet délétère à long terme des corticoïdes, déclare le Dr Augustin Latourte. Cependant, il faut remarquer que le design de cette étude n’était pas concordant avec la pratique. Les corticoïdes soulagent en cas de poussées inflammatoires, mais on ne voit pas bien l’intérêt d’une injection tous les trois mois… Ainsi, nous avons voulu mener une étude en vraie vie sur cinq ans, pour voir si les injections intra-articulaires de corticoïdes augmentaient le risque de progression de la gonarthrose ».
Pas de surrisque de prothèse ou d’aggravation
Compte tenu de l’incidence croissante de l’arthrose et du grand nombre d’injections de corticoïdes effectuées, il semblait nécessaire de clarifier l’effet de ces injections sur la structure articulaire dans un contexte de pratique réelle. Au total, 564 patients souffrant de gonarthrose, recrutés dans la cohorte KHOALA, ont été inclus et suivis pendant cinq ans. Parmi eux, 51 (9 %) ont reçu des injections de corticoïdes et 99 (17,5 %) ont de l’acide hyaluronique (63,1 % n’ont eu aucune injection pendant le suivi). La progression de la gonarthrose a été définie par la pose d’une prothèse, et/ou une aggravation radiologique (score de Kellgren et Lawrence) ou une réduction de l’interligne articulaire. Après prise en compte des facteurs confondants (âge, IMC, comorbidités…), les résultats ont montré que les patients traités par injections de corticoïdes présentaient, par rapport aux sujets non traités, un risque similaire de prothèse totale de genou (HR = 0,92 [IC 95 % 0,20-4,14] ; p = 0,91), ou d’aggravation du score de Kellgren et Lawrence (HR = 1,33 [IC 95 % 0,64-2,79] ; p = 0,44). Les injections d’acide hyaluronique n’ont également eu aucun effet sur le risque de prothèse totale de genou (HR = 0,81 [IC 95 % 0,14-4,63] ; p = 0,81) ou d’aggravation du score de Kellgren Lawrence (HR = 1,36 [IC 95 % 0,85-2,17] ; p = 0,20). Des résultats similaires ont été obtenus pour la diminution de l’épaisseur du cartilage.
Respecter les recommandations françaises
« Cette étude est intéressante et rassurante car elle reflète bien la pratique. Cependant, une de ses limites est l’absence de prise en compte des facteurs qui influent sur le risque de pose de prothèses, notamment les habitudes des médecins généralistes pour adresser les patients vers un rhumatologue plutôt que vers un chirurgien orthopédiste… Quoi qu’il en soit, cette étude permet de délivrer un message plutôt rassurant aux praticiens et aux patients. Il faut toutefois rester raisonnable sur les indications, et respecter les recommandations de la Société française de rhumatologie (SFR). Celles-ci sont les seules à préciser que les corticoïdes sont à privilégier en cas de poussées inflammatoires douloureuses ; avec gonflement articulaire », conclut le Dr Latourte. Sans oublier que des injections répétées ont un possible effet délétère à long terme. En attendant d’autres études…
(1) Latourte A et al. Do glucocorticoid injections increase the risk of knee osteoarthritis progression over 5 years ? Arthritis Rheumatol. 2022 Aug;74(8):1343-1351
(2) McAlindon TE et al. Effectof intra-articular triamcinolone vs saline in knee cartilage volume and pain in patients with knee osteoarthritis : a randomized clinical trial. JAMA 2017 ; 317 :1967-75.
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