LA FATIGUE est un symptôme fonctionnel majeur identifié très fréquemment au cours des rhumatismes inflammatoires chroniques (RIC). Elle est présente chez 84 % des patients atteints de polyarthrites rhumatoïdes (PR) – enquête AFP avec l’association française des polyarthrites –, 64 % des spondylarthrites (Jones 1996), 90 % des lupus érythémateux disséminés (Anonymous 2007) et 67 % des syndromes de Gougerot-Sjögren (Segal 2008). Bien qu’elle altère sérieusement leur qualité de vie, les patients n’en parlent souvent pas spontanément au médecin qui, de ce fait, ne prend pas ce symptôme suffisamment en compte.
« Des enquêtes ont révélé que les médecins abordaient assez souvent la question de la fatigue au cours de la première consultation puis n’en reparlaient plus », indique le Pr Chalès. Pourtant, c’est un symptôme important pour les patients, comme le montre le rapport de l’OMERACT 7 (groupe de travail incluant des associations de malades) rédigé au congrès de l’EULAR en 2004. Trois grands principes ont été établis à cette occasion : la fatigue est un symptôme important à prendre en compte ; elle doit systématiquement faire partie des critères d’évaluation dans les études sur les RIC et doit être évaluée par des échelles validées.
L’EVA fatigue.
« En pratique courante et en dehors des essais cliniques, les échelles multicritères sont difficiles à mettre en uvre, note le Pr Chalès. Le médecin peut se tourner vers une EVA fatigue (échelle visuelle analogique), dont on a montré qu’elle était bien corrélée aux autres échelles validées (SF36, BFI ou MAF par exemple), et qui peut être utilisée très simplement. » Ce type d’échelle est également utilisée pour évaluer la perception par le patient de l’intensité de la douleur ou du niveau d’activité de la maladie.
« Outre l’importance de repérer et d’évaluer la fatigue au cours d’un RIC, la recherche de sa ou ses causes est essentielle », explique le Pr Chalès. La fatigue peut être liée à l’activité de la maladie (mais ne l’est pas nécessairement, un patient avec un score de DAS faible pouvant être fatigué), à l’impotence fonctionnelle, à des comorbidités (notamment cardiorespiratoires), à une anémie, à des troubles du sommeil, des difficultés psychosociales, une humeur dépressive, un état de stress, voire aux effets adverses des médicaments ou à des efforts physiques excessifs. « Il existe un quatuor infernal – fatigue/douleur/syndrome dépressif/impotence fonctionnelle – qui est responsable d’une altération sévère de la qualité de vie et dont il faut savoir évaluer chacune des composantes ».
Ainsi, avant d’envisager un traitement, une évaluation clinique et biologique, la recherche d’une infection (éventuellement secondaire à une biothérapie), d’une anémie, d’un trouble thyroïdien, d’un diabète, d’un trouble du sommeil ou d’un épisode dépressif sont indispensables, chacune de ces pathologies nécessitant un traitement spécifique qui améliorera indirectement la fatigue.
Exercices encadrés.
L’évaluation du niveau d’activité physique est importante : des efforts excessifs peuvent générer la fatigue tandis qu’une activité physique régulière, modérée et ludique est, à même de l’améliorer. « Les exercices encadrés et en groupe sont mieux acceptés des patients et donnent de meilleurs résultats », précise le Pr Chalès. Les conditions sociales mises en place pour aider le patient handicapé dans la gestion de sa vie quotidienne sont également des paramètres susceptibles d’interférer sur l’état de fatigue ; ils doivent être pris en compte par le praticien. Comme les auto médications pratiquées par les patients souligne le spécialiste : « Certains malades suivent des régimes « anti-fatigue » totalement farfelus (sans lait ou sans gluten), qui non seulement n’améliorent pas leur état de fatigue mais qui peuvent aussi engendrer de véritables des désordres nutritionnels. »
Reste que le traitement du RIC lui-même améliore le symptôme fatigue qui fait partie du tableau de la maladie. Les biothérapies ont ainsi fait la preuve de leur efficacité sur ce paramètre dans les essais cliniques.
« Enfin, les séances d’éducation thérapeutique sont très utiles ; elles permettent de discuter avec les patients des différents aspects de leur maladie. Elles doivent aborder la question de la fatigue et les façons de soulager celle-ci », conclut le Pr Chalès.
* D’après un entretien avec le Pr Gérard Chalès, hôpital Sud, Rennes.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?