Une approche inédite dans l'arthrite et la SEP

La neutralisation d'un composant bactérien diminue l'inflammation

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Publié le 07/03/2019
microbiote

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Crédit photo : PHANIE

La communauté de micro-organismes résidant dans notre intestin, le microbiote intestinal, façonne notre immunité. On le sait aujourd'hui, le déséquilibre de cet écosystème est associé aux maladies auto-immunes. Toutefois, les mécanismes sous-tendant les effets systémiques du microbiote restent incertains. Il a été proposé que les microbes puissent libérer des molécules immunostimulantes qui traversent la barrière intestinale et pénètrent dans la circulation sanguine. Parmi les candidats, on trouve le peptidoglycane (PGN ou mucoprotéine), une molécule complexe de la paroi bactérienne, et ses sous-unités. Ces molécules sont connues pour être des adjuvants pro-inflammatoires (via la voie NOD1,2). Elles sont continuellement libérées par les bactéries et leur présence dans le sang a été relevée chez des sujets sains.

Une équipe dirigée par le Pr Yue Wang (Agence pour la science, la technologie et la recherche, Singapour) a développé un anticorps murin ciblant une structure conservée et immunomodulatrice du peptidoglycane (1). « Cet anticorps monoclonal nous permet de quantifier et de neutraliser le peptidoglycane », explique au « Quotidien » le Pr Wang.

Souris axéniques

Utilisant un test reposant sur cet anticorps, les chercheurs ont découvert que le peptidoglycane est omniprésent dans la circulation sanguine des personnes en bonne santé, qu'elles soient d'origine asiatique (n = 36) ou européenne (n = 283). D'un individu à l'autre, les taux sanguins de PGN montrent une grande variation. En revanche, ils sont relativement stables chez un même individu au fil du temps. Les chercheurs ont aussi détecté le peptidoglycane dans le sang de plusieurs animaux à sang chaud, y compris la souris. Mais cette molécule est à peine décelable dans le sang des souris dépourvues de microbiote (axéniques), confirmant son lien avec le microbiote.

« Nous avons ensuite démontré que l'injection intrapéritonéale de cet anticorps exerce un effet thérapeutique significatif dans des modèles souris de deux maladies auto-immunes, la polyarthrite rhumatoïde et la sclérose en plaques », poursuit le Pr Wang. Comment l'expliquer ? L'anticorps exerce un effet antiarthritique principalement en atténuant la réponse inflammatoire activée par la molécule NOD2 lorsqu'elle détecte le peptidoglycane circulant, mais aussi en diminuant l'auto-immunité. L'injection de l'anticorps a diminué aussi la sévérité de l'encéphalomyélite auto-immune expérimentale chez la souris, un modèle de la sclérose en plaques.

« Ces résultats montrent que le fait de diminuer le taux de peptidoglycanes dans la circulation peut moduler la réponse immunitaire, ce qui pourrait offrir une nouvelle stratégie pour traiter certaines maladies auto-immunes », souligne le chercheur. Pour l'équipe proposer des sous-unités du peptidoglycane seraient devenues, au fil de l'évolution, des régulateurs clés de l'immunité de l'hôte.

Deux implications cliniques

« Dans le futur, le peptidoglycane en circulation pourrait servir de biomarqueur pour les maladies auto-immunes », espère le Pr Wang. De fait, l'équipe a détecté des taux de PGN beaucoup plus élevés chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou de lupus systémique que chez les sujets en bonne santé. Toutefois, un petit nombre d'individus sains présentent des taux sanguins de PGN très élevés. Ceci pourrait s'expliquer de deux façons : d'une part, certaines formes de PGN seraient peu immunostimulantes, d'autre part des facteurs génétiques pourraient conférer une tolérance aux taux élevés de PGN.

Un défi majeur pour les futures études sera donc de préciser les différents types de PGN et leurs activités physiologiques respectives. « Les prochains objectifs consisteront à corréler les formes et les taux sanguins de peptidoglycanes avec les maladies auto-immunes, des informations qui seront cruciales pour le diagnostic et le traitement de ces maladies. Il sera également nécessaire de modifier l'anticorps pour son utilisation chez l'homme », précise le chercheur.

(1) Z. Huang et al., Nature Microbiology, 10.1038/s41564-019-0381-1, 2019

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9730