Arthrites juvéniles idiopathiques

L’ère des biothérapies

Publié le 07/04/2011
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LES ARTHRITES JUVÉNILES idiopathiques (AJI), anciennement appelées arthrites chroniques juvéniles, répondent désormais à une définition consensuelle internationale, qui regroupe toutes les arthrites survenant avant 16 ans et évoluant depuis au moins six semaines, sans étiologie retrouvée. L’incidence annuelle de ces pathologies est très variable d’un pays à l’autre, de l’ordre de 20 nouveaux cas /100 000 enfants de moins de 16 ans.

Il s’agit d’un groupe de pathologies hétérogènes, au sein duquel plusieurs entités peuvent être distinguées : les polyarthrites rhumatoïdes à début précoce, les formes d’enthésite avec arthrite qui se rapprochent des spondylarthrites de l’adulte, les formes systémiques d’AJI ou maladie de Still pédiatrique, les oligoarthrites persistantes ou extensives (environ 50 % des cas), et les AJI associées à un psoriasis. Enfin, environ 10 % des patients ne sont pas groupables.

En pratique clinique, cette classification un peu complexe peut être simplifiée en trois grands groupes, qui orienteront la prise en charge. Le premier groupe correspond aux AJI de type adulte (PR ou spondylarthrites) dont la prise en charge s’apparente à celle de l’adulte.

Les AJI à forme systémique nécessitent une prise en charge spécifique car elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital de l’enfant. Elles présentent un profil systémique marqué, caractérisé par une courbe thermique typique associée à des signes systémiques inconstants (éruption cutanée, hépatosplénomégalie, adénopathie, épanchement séreux). Cette pathologie est à rapprocher du groupe des syndromes auto-inflammatoires.

Les maladies de Still pédiatriques sont des arthrites particulièrement agressives et érosives, avec un risque de séquelles important à l’âge adulte. Le pronostic vital est essentiellement lié au risque de syndrome d’activation macrophagique. Ces formes systémiques ont également la particularité de n’être que partiellement sensibles au traitement classique et aux anti-TNF alpha, mais de présenter un profil de réponse intéressant aux antagonistes de l’IL1 ou de l’IL6, deux cytokines ayant une implication majeure dans la physiopathologie de cette maladie.

Un suivi ophtalmologique trimestriel.

Le dernier groupe rassemble tous les autres patients (près de 80 % des cas) et particulièrement toutes les oligoarthrites et les polyarthrites sans facteur rhumatoïde. Ces arthrites sont en général assez facilement contrôlables grâce au méthotrexate ou aux biothérapies, mais leur pronostic est visuel, avec un risque élevé d’uvéite à oeil blanc.

Un facteur discriminant important au sein de ce groupe est la présence d’anticorps anti-nucléaires, qui est associé à risque d’uvéite de près de 30 %. Ces uvéites peuvent évoluer insidieusement et créer des dommages oculaires majeurs. Elles se bilatéralisent dans 80 % des cas en l’absence d’une prise en charge optimum. Il s’agit en effet d’une des principales causes de cécité acquise chez l’enfant dans nos pays. C’est pourquoi toute AJI n’étant ni une forme systémique ni une forme de type adulte doit bénéficier d’un examen ophtalmologique à la lampe à fente tous les 3 mois pendant les 5 premières années d’évolution de la maladie.

La prise en charge des différentes formes d’AJI comprend des mesures thérapeutiques communes. Les traitements médicamenteux de première intention sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, à des doses souvent plus élevées que la posologie habituelle, éventuellement associés à des injections de corticoïdes dans les grosses articulations. En revanche, la corticothérapie générale est à éviter à l’exception de situations particulièrement péjoratives, comme les uvéites sévères ou les formes très actives d’AJI systémique.

Les mesures non médicamenteuses comprennent la physiothérapie, lorsqu’il existe un risque de déformation ou de limitation de la mobilité articulaire, rarement la chirurgie orthopédique, un suivi attentif de la croissance et de la scolarité, un support psychologique si nécessaire, l’aide éventuelle d’associations de familles (Kourir, Inflam’œil).

L’apport des biothérapies.

Lorsque le contrôle de l’inflammation est imparfait, se discute l’introduction d’un traitement de fond par méthotrexate à la dose de 0,3 à 0,6 mg/Kg/semaine. En cas de réponse insuffisante après 3 à 6 mois de méthotrexate, se pose la question d’une biothérapie. Certaines équipes seraient pour l’introduction d’une biothérapie à un stade très précoce. Cette attitude peut se justifier dans les formes systémiques très actives polyarticulaires d’emblée et menaçantes ou dans les formes non systémiques touchant des articulations importantes sur le plan fonctionnel, bien qu’aucune étude n’ait encore montré chez l’enfant qu’une biothérapie prévienne mieux les dommages structuraux que le traitement classique en monothérapie.

À l’heure actuelle, trois biothérapies ont obtenu l’AMM dans l’AJI : l’étanercept dès 4 ans, l’adalimumab à partir de 13 ans, et l’abatacept après échec d’une première biothérapie. Un dossier d’AMM est en cours pour le tocilizumab (anticorps anti-récepteur de l’IL6) dans les formes systémiques d’AJI. Mais la recherche est très active dans ce domaine. Plusieurs études à un stade avancé permettront probablement dans un futur proche d’élargir les indications : tocilizumab dans les formes non systémiques, anti-IL1 dans les formes systémiques, extensions d’AMM pour les enfants dès 2 ans, traitement des formes de type spondylarthrite ou des uvéites de contrôle difficile…

Avant l’ère des biothérapies, le devenir à long terme des AJI était assez réservé, notamment dans les formes systémiques au cours desquelles la moitié des patients gardaient des séquelles ou une maladie active à l’âge adulte. Aujourd’hui, l’espoir est d’arriver à un très bon contrôle de la maladie chez la plupart des patients. La proportion d’enfants qu’on ne parvient pas à mettre en rémission est très faible. Les efforts restant à fournir à moyen terme sont de parvenir à affiner la qualité de l’analyse en imagerie de l’atteinte articulaire, de développer les registres et le suivi en cohorte des patients, et de développer des marqueurs biologiques prédictifs du risque de rechute à l’arrêt d’un traitement de fond.

D’après un entretien avec le Dr Pierre Quartier-Dit-Maire, pédiatre au centre de référence des arthrites juvéniles, Unité d’Immunologie-Hématologie et Rhumatologie Pédiatriques Hôpital Necker - Enfants malades, Paris.

 Dr CAMILLE CORTINOVIS

Source : Bilan spécialistes