Abatacept et polyarthrite rhumatoïde

Les premiers résultats du registre prospectif français ORA

Publié le 29/11/2009
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Crédit photo : BSIP/PULSE PICT. LIBRARY

LA MISE À DISPOSITION des biothérapies a modifié l’approche thérapeutique de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Différentes cibles ont successivement fait l’objet du développement de thérapeutiques ciblées (biothérapies) : le TNF-alpha (les anti-TNF-alpha, comme l’adalimumab, l’étanercept et l’infliximab), le lymphocyte B (rituximab), le lymphocyte T (abatacept), ou l’interleukine-6 (tocilizumab). Cet élargissement de l’arsenal thérapeutique a considérablement amélioré le pronostic de la PR et permis de freiner, voire bloquer la destruction ostéoarticulaire qui caractérise cette maladie.

L’abatacept a obtenu en 2007 son autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la PR active modérée à sévère chez les adultes ayant eu une réponse insuffisante ou une intolérance à d'autres traitements de fond, incluant au moins un anti-TNF. Cette biothérapie a un mode d’action original puisqu`elle bloque le 2e signal indispensable à la stimulation du lymphocyte T, une des cellules jouant un rôle crucial dans la physiopathologie de la PR. Ce traitement s’administre actuellement par perfusions intraveineuses mensuelles.

Une efficacité démontrée dans des essais cliniques.

Au cours de différents essais cliniques contrôlés, l'abatacept a fait la preuve de son efficacité, en démontrant une réduction des symptômes articulaires, une amélioration de la capacité fonctionnelle, une freination ou un arrêt de l'évolution des lésions structurales et une amélioration de la qualité de vie.

La tolérance de l’abatacept a été évaluée à court terme dans les essais contrôlés et à moyen terme dans la phase d’extension en ouvert de ces essais. Aucune augmentation de la survenue d’infections sévères (ayant nécessité une hospitalisation et/ou une antibiothérapie intraveineuse) ou de cancers n’a été observée. Cependant, comme c’est d’usage au cours des essais cliniques évaluant un traitement de la PR, la majorité de ces études a inclus une population sélectionnée de patients, sans comorbidité, antécédent de cancer ou d’infection sévère.

Il est donc particulièrement important de disposer de données de tolérance concernant les patients de la « vraie vie », grâce aux données de registres de biothérapies.

Le registre ORA : un suivi dans le cadre de la pratique clinique habituelle.

La Société Française de Rhumatologie (SFR) a mis en place le registre ORA pour colliger les données de tolérance et d’efficacité en pratique courante de l’abatacept au cours du traitement de la PR, selon la même méthodologie que celle utilisée pour une autre biothérapie, le rituximab, dans le registre AIR (Auto-Immunité et Rituximab) de la SFR.

L’objectif est d’inclure 1 000 patients. Il s’agit d’un suivi observationnel, prospectif pendant cinq ans, de patients souffrant de PR sévère, non-répondeurs ou ayant des contre-indications aux anti-TNF, pour lesquels le clinicien décide de prescrire un traitement par abatacept. Un attaché de recherche clinique se déplace dans les différents services participant aux registres pour recueillir les données. Ainsi, il n’y a aucune interférence du registre avec le choix et le suivi du traitement.

La SFR propose un suivi standardisé des patients comportant le relevé d’événements indésirables comme les infections sévères, les cancers, les réactions aux perfusions et les décès. L’efficacité est évaluée par l’évolution du DAS28, un score d’activité de la maladie indiquant le nombre d’articulations douloureuses et gonflées, l’évaluation de l’activité par le patient par une échelle visuelle analogique et un marqueur biologique (VS ou CRP).

Le laboratoire pharmaceutique Bristol-Meyers-Squibb assure le financement de ce registre, exclusivement dédié au cahier de recueil électronique et à la rémunération des ARC, mais ne participe ni au recueil des données ni à leur analyse. Les médecins participant ne sont pas subventionnés. Le registre ORA est coordonné par le Pr Xavier Mariette, et a un méthodologiste indépendant, le Pr Philippe Ravaud. Un conseil scientifique qui se réunit deux fois par an, pour analyser les résultats, discuter de l’état des lieux des inclusions des patients et des projets d’études cliniques qui seront réalisées à partir du registre. Le cahier de recueil électronique des données permet d’être très réactif et d’apporter de nouveaux résultats trois fois par an, dont la SFR informe la communauté rhumatologique par envoi de newsletters.

Premiers résultats du registre ORA

Plus de 800 des 1 000 patients prévus ont déjà été inclus dans 75 services de rhumatologie et de médecine interne depuis mai 2008. Les résultats préliminaires concernant 790 patients sont communiqués pour la première fois au congrès de la SFR. L’âge médian des patients (77,5 % de femmes) était de 58 ans, avec une durée médiane d’évolution de la PR de 13 ans. Des antécédents de cancer étaient notés chez 5 % des patients, et des antécédents d'infection sévère chez 35 %. Le nombre médian de traitements de fond antérieurs était de 3, 13 % des patients n'avaient jamais reçu d'anti-TNF avant le traitement par abatacept, 25 % en avaient eu un, 39 % deux molécules et 23 % trois anti-TNF ; 27 % des patients avaient reçu du rituximab avant l’abatacept. Enfin, 77 % des patients avaient une corticothérapie orale lors de l’initiation du traitement par abatacept, à la posologie médiane de 10 mg/j.

L’abatacept a été prescrit sans traitement de fond conventionnel associé, comme le méthotrexate par exemple, chez un patient sur trois. Le score d’activité DAS28 de la PR était élevé (DAS28 médian : 5,4) avant traitement par abatacept. ; 671 patients (78 %) ont déjà eu au moins une visite de suivi, avec un suivi médian de 22 semaines, soit 398 patient/années. Six décès sont survenus et cinq cancers, soit 1,3/100 patient/années, une incidence prévisible dans une population de patients de cet âge ayant une PR. Aucune infection opportuniste n’est survenue. L’efficacité après six mois de traitement par abatacept a pu être évaluée chez 120 patients : une réponse EULAR a été observée chez 63 % des patients (bonne réponse : 22 %, réponse modérée :41 %).

L’analyse préliminaire des données du registre ORA montre donc qu’une proportion importante de patients est traitée par abatacept après avoir reçu des anti-TNF (87 %) ou du rituximab (27 %). Dans la « vraie vie », l’abatacept est prescrit en monothérapie chez un tiers des patients, sans traitement de fond associé. Le suivi prospectif pendant cinq ans des patients du registre va permettre de déterminer la tolérance et l’efficacité à long terme de l’abatacept en pratique courante.

D’après un entretien avec le Pr Jacques-Eric Gottenberg (CHRU de Strasbourg), investigateur principal du registre ORA (www.ora-cri.org).

 Dr GÉRARD BOZET

Source : lequotidiendumedecin.fr