Cas clinique

Maladie de Paget en burn out

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Publié le 26/09/2018
maladie de paget

maladie de paget
Crédit photo : DR

Les atteintes osseuses de la patiente concernent l'hémibassin droit, plusieurs vertèbres, les deux fémurs, la scapula et l'humérus gauches.

Des douleurs osseuses persistantes, notamment de l'humérus gauche, conduisent, malgré l'absence d'élévation des marqueurs osseux, à la traiter par perfusion d'acide zolédronique (Aclasta), environ une par an de 2011 à 2017, avec une bonne efficacité.

Malheureusement, ces douleurs osseuses sont intriquées avec des douleurs articulaires arthrosiques qui altèrent la qualité du résultat malgré des gestes locaux sur les sites articulaires les plus douloureux, épaule droite et genoux notamment, sites d'arthropathies dont la composante pagétique est probable.

Une évolution visible à la scintigraphie

En 2011, la scintigraphie osseuse (figure 1) montre une hyperfixation intense et diffuse d'aspect pagétique de l'humérus gauche, du fémur gauche, de la moitié supérieure du fémur droit et de l'hémibassin droit. Une fixation hétérogène sur l'ensemble du rachis, avec hyperfixation d'allure dégénérative du rachis dorsolombaire, est également retrouvée.
 

[[asset:image:7431 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Figure 1. Hyperfixation d\u0027aspect pag\u00e9tique de l\u0027hum\u00e9rus gauche, du f\u00e9mur gauche, de la moiti\u00e9 sup\u00e9rieure du f\u00e9mur droit et de l\u2019h\u00e9mibassin droit"]}]]

Sur la scintigraphie osseuse réalisée en 2016 (figure 2), les mêmes lésions pagétiques sont constatées mais avec une captation nettement diminuée du traceur radioactif, traduisant vraisemblablement une maladie de Paget quiescente en phase tardive (dite phase III).
 

[[asset:image:7432 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Figure 2. Maladie de Paget quiescente en phase tardive "]}]]

Quelques images radiographiques sont caractéristiques de l'aspect de l'os pagétique (figure 3).
 

[[asset:image:7433 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":["DR"],"field_asset_image_description":["Figure 3. Images \u00e9vocatrices d\u0027une Maladie de Paget"]}]]

Une pathologie rare et méconnue

La maladie de Paget fut, en termes de fréquence, la seconde maladie métabolique osseuse en Europe occidentale. Une diminution de son incidence, de sa prévalence et de sa sévérité a été rapportée depuis une quinzaine d'années dans plusieurs études épidémiologiques (1). Cette raréfaction de la maladie expose les futurs médecins à une méconnaissance par défaut de formation et les malades à un retard de prise en charge diagnostique et thérapeutique. Il est donc important de « rafraîchir les mémoires » avec quelques aspects de cette maladie devenue rare et qui n'est plus enseignée dans nos facultés depuis dix ans…

La radiographie standard reste le pivot du diagnostic (figure 3). Les altérations caractéristiques de la structure osseuse comportent : hypertrophie des os atteints, déformation osseuse, condensation irrégulière responsable d'un aspect fibrillaire ou en motte, perte de la différenciation corticomédullaire avec porosité de la corticale et épaississement des travées. Les os longs sont déformés en incurvation, ce qui accentue les contraintes mécaniques et les douleurs articulaires mais est aussi un facteur de risque de fissures ou fractures sur la convexité de cette incurvation.

Vers une phase de burn-out

La scintigraphie a une valeur pronostique utile au diagnostic, permettant d'établir une cartographie des os atteints. Cela est permis par l'activité métabolique considérable du tissu osseux pagétique (hyperremodelage osseux) aux stades initiaux de la maladie : hyperactivité ostéoclastique rapidement suivie d'une ostéoformation compensatrice mais anarchique. La scintigraphie reflète ainsi l'extension et l'intensité de cet hyperremodelage osseux.

Cependant, lorsque l'évolutivité de la maladie diminue sous traitement (ou même parfois sans), la fixation osseuse diminue et parfois se normalise : on parle alors de maladie de Paget quiescente ou de « burned out Paget » (2) ! Une semi-quantification des fixations osseuses (par rapport au côté sain) permet d'identifier cette évolution et a été utilisée par le passé pour affirmer la réponse au traitement, ce qui n'a plus d'intérêt depuis le développement des marqueurs osseux. En effet, sous traitement par bisphosphonates, la fixation osseuse pagétique diminue et peut se normaliser : cette évolution est visible chez notre patiente qui a reçu plusieurs séquences de traitement par bisphosphonates pendant dix ans.

 

(1) Michou L, Orcel P. The changing countenance of Paget's disease of bone. Joint Bone Spine. 2016;83:650-5 

(2) Smith SE et al. Radiologic spectrum of paget disease of bone and its complications with pathologic correlation. RadioGraphics 2002; 22:1191–1216

 

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr