La PPR est un rhumatisme inflammatoire touchant essentiellement les personnes âgées de plus de 50 ans, surtout entre 70 et 80 ans. Sa classification dans le spectre des maladies inflammatoires et auto-immunes est difficile, en raison de ses mécanismes physiopathologiques encore partiellement compris. L’activation du système immunitaire inné et adaptatif serait impliquée dans un contexte d’immunosénescence, de facteurs génétiques, épigénétiques et endocriniens. Une étude récente de la littérature a ainsi essayé de mettre en évidence le poids relatif de l’auto-inflammation et de l’auto-immunité (1). Une autre méta-analyse a confirmé le lien entre la PPR et l’artérite à cellules géantes (ACG), deux maladies touchant les mêmes populations (avec toutefois une prévalence de la PPR trois fois plus élevée que l’ACG). En effet, 22 % des patients diagnostiqués d’une PPR présenteraient des symptômes d’ACG associés et, inversement, 42 % des sujets atteints d’une ACG auraient des symptômes de PPR.
Tocilizumab, une alternative aux corticoïdes ?
L’enjeu thérapeutique dans la PPR est de soulager les patients de leurs douleurs articulaires et d’éviter les complications de la corticothérapie (dont la myopathie). « Nous avions montré en 2014, dans un essai ouvert (preuve de concept) que le tocilizumab en monothérapie, chez des patients atteints de PPR récente, entraînait une amélioration des taux de rémission et permettait un contrôle de la maladie, sans corticoïdes (2), déclare la Pr Valérie Devauchelle (CHU de Brest). Depuis, plusieurs études ont confirmé l’efficacité du tocilizumab (anti-IL6) dans les PPR aussi bien récentes que corticodépendantes ».
Dans l’étude PMR-SPARE, 36 patients ayant une PPR récente ont reçu du tocilizumab sous-cutané ou un placebo pendant 16 semaines (rapport 1:1). Ils étaient également traités par prednisolone par voie orale, dont la dose était réduite de 20 à 0 mg sur 11 semaines (3). Le critère principal était la proportion de patients en rémission sans corticoïdes à la semaine 16. Il a été atteint chez 12 des 19 patients sous tocilizumab (63,2 %) et deux des 17 sujets sous placebo (11,2 %, p = 0,002, OR 12,5). À la semaine 24, 57,9 % des patients sous tocilizumab étaient en rémission versus 17,6 % dans le bras placebo. Ainsi, en cas de PPR récente, le tocilizumab est supérieur au placebo concernant la rémission soutenue sans corticoïdes, le délai de rechute et la dose cumulée de corticoïdes.
« Quant à l’étude de phase III SEMAPHORE, dont le CHRU de Brest est promoteur, elle avait l’objectif de démontrer l’efficacité du tocilizumab chez des patients corticodépendants (4,5). Elle a inclus 101 patients présentant une activité persistante de la PPR, malgré une dose de prednisone d’au moins 10 mg/jour. Les patients recevaient soit du tocilizumab intraveineux (8 mg/kg), soit un placebo, toutes les quatre semaines pendant 24 semaines avec une réduction progressive prédéfinie de la prednisone orale », détaille la spécialiste. Le principal critère d’efficacité était un score d’activité de la maladie (DAS-PPR) inférieur à 10, associé à une dose de prednisone en dessous de 5 mg/jour ou à une diminution de sa dose d’au moins 10 mg par rapport aux valeurs initiales, à la semaine 24. Au total, 67,3 % des patients sous tocilizumab ont répondu au critère principal, contre 31,4 % de ceux du groupe placebo. À la semaine 24, le pourcentage de patients ne prenant plus de corticoïdes était de 49 % dans le groupe tocilizumab versus 19,6 % dans le bras placebo. « Pour la première fois, une nouvelle possibilité thérapeutique apparaît dans la PPR corticodépendante ».
Une recherche très active
De nombreux essais sont en cours, dont l’un concerne un autre anti-IL6 : le sarilumab. Présentée au congrès du Collège américain de rhumatologie (ACR), l’étude SAPHYR (6) a été menée chez 117 patients atteints de PPR active résistante aux corticoïdes (≥ 7,5 mg/jour). Ils recevaient soit 52 semaines de traitement par sarilumab (200 mg toutes les 2 semaines) suivi de 14 semaines de décroissance progressive des corticoïdes, ou un placebo (toutes les 2 semaines) et 52 semaines de décroissance progressive des corticoïdes. À 52 semaines, le taux de rémission soutenue était significativement plus élevé dans le bras sarilumab que dans le bras comparateur (28,3 % contre 10,3 %, p = 0,0193).
Le rituximab a aussi fait l’objet d’un essai preuve de concept chez des patients récemment diagnostiqués ou en rechute sous prednisone (7). À 21 semaines, il s’est avéré efficace en termes de rémission, en association avec un schéma de réduction progressive des corticoïdes sur 17 semaines, par rapport à un traitement par corticoïdes seuls. Enfin, le tofacitinib (inhibiteur de JAK) vient d’être testé sur un petit nombre de patients (9). D’autres pistes investiguent le secukinumab, l’abatacept, ou encore le baricitinib.
D’après un entretien avec la Pr Valérie Devauchelle-Pensec (CHU de Brest)
(1) Hysa E. et al. Autoimmunity Rev 2022;21(2):102995
(2) Devauchelle-Pensec V et al. Ann Rheum Dis 2016 Aug;75(8):1506-10
(3) Bonelli M. et al. Ann Rheum Dis 2022 Jun;81(6):838-844
(4) Devauchelle-Pensec V. et al. JAMA 2022;328:1053-62
(5) Devauchelle-Pensec V. et al. SFR 2022, abstract 836
(6) Spiera R. et al. ACR 2022, abstract 1676
(7) Marsman D et al. Lancet Rheumatol 2021,Vol 3,Issue 11,E758-E766
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