De la colchicine en prévention du risque cardiovasculaire

Quand le rhumatologue devient aussi cardiologue !

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Publié le 26/11/2020

L'étude LoDoCo confirme l'intérêt de la colchicine à faible dose, vieux médicament utilisé par les rhumatologues, dans la prévention du risque cardiovasculaire. Ces données rappellent également l'importance de la prise en charge des complications cardiovasculaires des patients inflammatoires en rhumatologie et la nécessité d'interagir avec les cardiologues.

Crédit photo : phanie

Le risque cardiovasculaire est devenu très familier pour les rhumatologues. Nous avons d’abord appris à être prudents dans l’utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens à la suite de publications soulignant leur association à un risque cardiovasculaire accru. Puis, nous nous sommes familiarisés avec l’évaluation du risque cardiovasculaire de nos patients atteints de rhumatismes inflammatoires chroniques. L’inflammation goutteuse est aussi un facteur de risque, pointé par les recommandations récentes (1).

Il apparaît maintenant que les cardiologues vont devoir se familiariser avec nos médicaments si l’on en croit les essais récents concernant la colchicine ! Avant elle déjà, le canakimumab, puissant anti-inflammatoire ciblant la voie de l'immunité innée de l'interleukine-1β, dans l’essai Canakinumab Antiinflammatory Thrombosis Outcome Study (CANTOS) contrôlé contre placebo, avait réduit significativement par comparaison au placebo le taux d'événements cardiovasculaires récurrents, indépendamment de la diminution des taux de lipides (2).

Percée de la colchicine en prévention du risque cardiovasculaire

Dans l'essai ouvert sur la colchicine à faible dose en prévention secondaire (LoDoCo), les patients atteints d'une maladie coronarienne stable traités par colchicine à une dose de 0,5 mg une fois par jour ont eu moins d'événements cardiovasculaires que ceux ne recevant pas de colchicine (3). Fin 2019, étaient parues dans le New England Journal of Medicine les données de l’essai clinique Colchicine Cardiovascular Outcomes Trial (COLCOT) suggérant que, chez des patients ayant un infarctus du myocarde récent, la colchicine à une dose de 0,5 mg par jour réduisait significativement le risque d'événements cardiovasculaires ischémiques que le placebo (4). Ces premières percées d’un médicament ancien et peu coûteux semblent se confirmer, cette fois dans un essai contrôlé contre placebo, l’étude LoDoCo2 (5).

Dans cet essai, parmi 5 522 patients randomisés, 2 762 ont été traités par colchicine, 0,5 mg/jour, pendant une durée médiane de 28,6 mois. Le critère d'évaluation principal était composite, associant décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde spontané, accident vasculaire cérébral ischémique ou revascularisation coronarienne en raison d’une ischémie. L’incidence de ce critère était réduite de 31 % dans le groupe colchicine : 2,5 versus 3,6 événements pour 100 personnes-années (RR = 0,69 ; IC 95 % : 0,57-0,83). Les taux d'incidence d'infarctus spontané, de revascularisation coronarienne ou de mort cardiovasculaire étaient également significativement plus faibles avec la colchicine qu'avec le placebo. Seule ombre au tableau, le taux d'incidence des décès de toutes causes et des décès non cardiovasculaires étaient plus élevés avec la colchicine qu'avec le placebo… La différence entre les groupes n'était pas significative (IC 95 % : 0,99-2,31) et pourrait être due au hasard, mais le rapport de risque de 1,51 pose question. Dans l'essai COLCOT, il n’y avait aucune différence entre les groupes pour les décès non cardiovasculaires.

Des interactions rhumatologues-cardiologues

Ainsi, un vieux médicament des rhumatologues, qui ne coûte rien (à peine plus de 2 € par mois à cette dose) en comparaison de nombreux autres, pourrait avoir un rôle dans la prévention du risque cardiovasculaire chez des patients atteints de maladie coronarienne chronique, dont la plupart recevaient déjà des traitements éprouvés de prévention secondaire. À noter que les patients de cette étude n’ont pas eu de mesure systématique de la CRP : on ignore donc leur statut inflammatoire. Ces données sont prometteuses et renforcent encore l’attention que nous devons porter aux complications cardiovasculaires de nos patients inflammatoires et de l’interaction importante avec nos collègues cardiologues pour leur prise en charge optimale. 

(1) Richette P et al. 2016 updated EULAR evidence-based recommendations forthe management of gout. Ann Rheum Dis 2017;76:29-42
(2) Ridker PM et al. Antiinflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. N Engl J Med 2017;377:1119-31
(3) Nidorf SM et al. Low-dose colchicine for secondary prevention of cardiovascular disease. J Am Coll Cardiol 2013;61:404-10.
(4) Tardif JC et al. Efficacy and safety of low-dose colchicine after myocardial infarction. N Engl J Med 2019;381:2497-505
(5) Nidorf SM et al. Colchicine in patients with chronic coronary disease. N Engl J Med 2020;383:1838-47.

Pr Philippe Orcel

Source : lequotidiendumedecin.fr