La goutte augmente le risque de maladies et de mortalités cardiovasculaires (CV). Les patients mal traités, avec une goutte mal équilibrée, ont une mortalité CV accrue. Cependant, deux méta-analyses ont donné des résultats discordants : l’une montre que le traitement hypo-uricémiant diminue le risque des événements CV, alors que l’autre ne retrouve pas cet effet protecteur. L’inhibition de la xanthine oxydase, par allopurinol ou fébuxostat, diminue le stress oxydatif, mais ces deux médicaments semblent avoir des effets différents sur les événements CV.
Plus de 5 000 patients inclus
Avec un suivi moyen de 4,8 années, l’étude ALL-HEART (1), multicentrique (18 centres participants anglais et écossais) et prospective, a inclus des patients de plus de 60 ans, avec antécédents de maladies coronariennes mais sans maladie goutteuse. Les patients avec insuffisance cardiaque sévère étaient exclus, ainsi que ceux ayant un antécédent de goutte ou une maladie rénale chronique de stade ≥ 3 (clairance de la créatinine < 60 ml/min/1,73m²). Au total, 5 721 participants (72 ans d’âge moyen, 75,6 % d’hommes, 99,2 % de sujets blancs) ont été randomisés pour recevoir soit de l’allopurinol, soit un suivi habituel sans traitement complémentaire. L’étude était arrêtée après la survenue de 631 événements du critère principal de jugement (indice composite regroupant infarctus du myocarde non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal et décès CV).
Une absence d’effets sur les évènements cardiovasculaires
Chez ces patients non goutteux, Mackenzie et ses collaborateurs ont montré que le traitement par allopurinol (jusqu’à 600 mg/jour) ne diminuait pas les événements CV d’origine ischémique, par rapport à une prise en charge habituelle. Parmi les 2 753 participants sous allopurinol, 314 (11 %) ont eu un événement CV du critère de jugement principal, versus 325 des 2 768 patients (11,3 %) avec un suivi habituel (risque relatif : 1,04, [IC95 % 0,89-1,21], p = 0.65). Il s’agit de la première étude randomisée, avec un grand effectif, montrant l’absence d’effet d’un traitement par allopurinol forte dose, sur les événements CV ischémiques.
De multiples limites
Cependant, cette étude contient de nombreuses limites. Tout d’abord, il s’agit d’un essai ouvert sans placebo. Seul un tiers des sujets du groupe allopurinol (n = 918) avaient une hyperuricémie, avec une uricémie moyenne de l’ensemble des participants traités de 340 µmol/l. Plus de 55,5 % des patients inclus ont arrêté le traitement par allopurinol (28,6 % en raison des effets secondaires, 15 % volontairement, 3,6 % sur les conseils du médecin traitant, 2 % suite à des effets secondaires graves), et 9 % ont été perdus de vue (versus 2,6 % dans le groupe suivi habituel). De plus, l’adhérence à l’allopurinol était basée sur du déclaratif ; et l’uricémie (au cours du suivi et à la fin de l’étude) n’était pas connue. Cependant, l’analyse en intention de traiter ne montrait pas de différence en fonction du tertile de l’uricémie basale.
Ainsi, ces résultats suggèrent l’absence de bénéfice CV d’un traitement par allopurinol chez des patients avec uricémie normale ou hyperuricémie asymptomatique. Cependant, une étude spécifique, centrée sur cette dernière population, reste nécessaire pour répondre correctement à cette question.
(1) Mackenzie I et al. Allopurinol versus usual care in UK patients with ischemic heart disease (ALL-HEART) : a multicenter, prospective, randomized, open-label, blinded-endpoint trial. Lancet 2022; 400: 1195–205.
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