Pr Daniel Wendling, CHRU de Besançon

Spondylarthrite ankylosante, plus tôt et plus vite n’est pas toujours mieux

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Publié le 28/01/2020

Les nouveaux critères de classification de la spondylarthrite ankylosante (SpA) ont amené à diagnostiquer des formes légères, voire à poser de faux diagnostics de SpA. Parallèlement, s’imposait le concept d’un traitement plus intensif et plus précoce, au prix d’effets secondaires non négligeables. Une voie que seule la concordance des arguments radiologiques, biologiques et surtout cliniques peut remettre dans le droit chemin...

Pr Daniel Wendling

Pr Daniel Wendling
Crédit photo : DR

La SpA reste une maladie fréquente, de diagnostic plutôt difficile en raison d’une symptomatologie assez banale et parfois mal interprétée, qui peut entraîner un retard au diagnostic potentiellement préjudiciable. Pour permettre un diagnostic plus précoce, de nouveaux éléments de classification ont été proposés, afin de s’affranchir en particulier de certains critères radiographiques, dont l’apparition peut être tardive.

Diagnostiquer tôt ou trop ?

Certains diagnostics différentiels, devant des rachialgies plus ou moins inflammatoires, sont classiques : spondylodiscite, chondrocalcinose ou goutte, tumeur de type ostéome ostéoïde, neurinome intracanalaire, douleurs projetées liées à une fibrose péritonéale ou une aortite. Le diagnostic de SpA non radiographique peut aussi être porté par excès si on applique de façon non raisonnée les critères de classification qui parlent de formes de SpA non radiographiques, chez des patients HLAB27 (ce qui n’est pas synonyme de cette pathologie), avec des douleurs rachidiennes ou des talalgies, et parfois un œdème sacro-iliaque ou rachidien à l’IRM qui peut relever d’autres étiologies. Les douleurs tendineuses peuvent être prises à tort pour des enthésites alors qu’elles relèvent d’autres causes comme une fibromyalgie.

« Le concept « traiter le plus efficacement et le plus tôt possible » a amené à porter des diagnostics erronés de SpA dans le souci de ne pas retarder la mise en route d’un traitement, alors que l’enjeu et surtout l’urgence à traiter sont moindres que pour d’autres rhumatismes inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde (PR), rappelle le Pr Wendling. Le diagnostic de SpA doit se faire sur la conviction du clinicien, basée sur un faisceau concordant d’arguments, cliniques, anamnestiques, paracliniques ».

Trop traiter n’est pas toujours bien traiter

Le risque d’engager à tort des stratégies thérapeutiques de SpA, avec leurs conséquences en termes d’effets secondaires et de coût, est d’autant plus important que dans la SpA, en particulier axiale, on ne dispose pas de classe intermédiaire efficace entre les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les biomédicaments. Il a maintenant été prouvé que dans les SpA axiales non radiographiques, sans signes objectifs d’inflammation ni de lésions à l’IRM, les biomédicaments ne se révèlent pas vraiment supérieurs au placebo.

Le surtraitement peut relever d’un diagnostic erroné, de la prise en charge d’une forme non évolutive, mais aussi d’une mauvaise évaluation de l’activité de la maladie. Les scores type BASDAI basés sur des autoquestionnaires, sont subjectifs et ne reflètent pas toujours l’activité de la maladie, en particulier lorsqu’il existe une fibromyalgie (associée ou conséquence de la spondylarthrite) perturbant l’évaluation de la réponse thérapeutique. On peut alors être amené à augmenter les posologies ou changer de traitement pour insuffisance de réponse alors que le processus inflammatoire de la SpA est enrayé.

Pour repérer ces biais dans l’évaluation, on s’aidera de l’expérience clinique et d’outils très simples comme le questionnaire en six questions, le FIRST développé par le Pr Serge Perrot afin de dépister le terrain fibromyalgique. S’il est positif, la vigilance est de mise quant à la réponse sous traitement. On peut aussi être alerté par une discordance entre la plainte subjective et la biologie, tout en sachant que dans les formes axiales de SpA, la protéine C récative (CRP) n’est pas élevée dans près d’un cas sur deux, et que l’imagerie n’est pas toujours parlante. Un des challenges actuellement serait d’avoir un biomarqueur fiable et sensible à l’évolution de l’inflammation.

L’élargissement de l’arsenal thérapeutique peut conduire, non pas à un surtraitement à proprement parler, mais à un traitement inadapté au profil du patient, si tous les éléments comme la présentation axiale ou périphérique, les localisations extra-articulaires (uvéites, atteintes digestives) et les particularités de chaque classe thérapeutique n’ont pas été prises en compte.

« Le traitement doit aussi être modulé selon la cible préalablement définie en accord avec le patient, qui dépend de l’âge du patient, de la présentation phénotypique de la maladie et de son activité, mais aussi du profil de tolérance du médicament et de son coût », conclut le rhumatologue.

D’après un entretien avec le Pr Daniel Wendling, CHRU de Besançon

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr