Viscosupplémentation dans la gonarthrose

Un effet sur le métabolisme du cartilage

Publié le 01/06/2010
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UTILISÉE DEPUIS plus de 10 ans en France dans la gonarthrose, la viscosupplémentation a bien montré son action symptomatique sur la douleur et la fonction articulaire avec une durée d’efficacité située entre 6 et 12 mois. Aujourd’hui plusieurs évolutions se dessinent dans ce domaine comme le détaille le Dr Thierry Conrozier. Ainsi, on constate tout d’abord une nette tendance à la monoinjection. Deux produits bénéficient d’un remboursement avec ce type de protocole, Durolane et Synvisc-One. Le premier sur la base d’une étude contrôlée et le second grâce à un essai de dose ranging et un autre versus placebo. « Certes il n’existe aucune étude contrôlée ayant comparé le schéma en monoinjection à celui plus classique comportant trois injections successives, précise le Dr Conrozier, mais cette tendance devrait perdurer, en raison des nombreux avantages procurés, et pour le praticien et pour le patient : diminution des risques inhérents au geste, du risque infectieux, éviction sportive plus courte, réduction du nombre de déplacements… ». D’ailleurs d’autres acides hyaluroniques disposent maintenant d’une forme pour mono-injection, mais ne sont (pour l’instant) pas remboursés : Monovisc, Synochrom Forte, Arthrum 2,5 % monoinjection.

Quelles que soient les nouvelles formulations proposées, elles comportent soit une augmentation de la concentration du produit, soit du volume injecté, soit une réticulation. « Il est en effet progressivement apparu, explique Thierry Conrozier, que pour que la viscosupplémentation ait un effet au niveau articulaire, il est nécessaire d’atteindre un niveau optimal du rapport concentration X poids moléculaire ».

L’acide hyaluronique comme transporteur.

Une autre idée émergente et qui est actuellement en cours de développement est celle d’utiliser l’acide hyaluronique comme transporteur d’autres molécules de façon à renforcer l’action thérapeutique. Anti-inflammatoires, corticoïdes, biothérapies pourraient ainsi conjuguer leurs effets à ceux de la viscosupplémentation et/ou améliorer l’effet de cette dernière. Pour le moment, les données sont encore très préliminaires, mais un tel produit dit de deuxième génération (Synolis) a déjà obtenu le marquage CE. Associant l’acide hyaluronique à un antioxydant, en l’occurrence le sorbitol, il permet une meilleure résistance à l’oxydation de l’acide hyaluronique, multipliant par trois ses capacités de résistance à la dégradation en présence de radicaux libres oxygénés et augmentant de ce fait son temps de résidence dans l’articulation.

Enfin une étude très récente, dirigée par le Dr Thierry Conrozier et dont les résultats sont en attente de publication, a permis de démontrer que, au-delà de son effet lubrifiant, l’injection intraarticulaire d’acide hyaluronique exerce un effet antiarthrosique manifeste. Cet essai, qui a été mené par la section Arthrose de la Société française de rhumatologie dans huit centres hospitaliers français, a été construit spécifiquement pour essayer de mettre en évidence un effet biologique. Pour ce faire, les 51 patients inclus (45 analysés) devaient être porteurs d’une arthrose unilatérale du genou, à l’exclusion de toute autre atteinte arthrosique afin que les variations des biomarqueurs de l’arthrose puissent être attribuables à l’intervention thérapeutique. Au préalable, ces marqueurs ont été dosés deux fois dans le sang et les urines, à 15 jours d’intervalle, de façon à vérifier l’absence de variation naturelle de leur taux. Trois injections d’hylane G-F 20 ont été faites. À un et trois mois, ont été dosés dans le sang trois marqueurs du cartilage : C2C sérique (marqueur de la dégradation du collagène) et deux marqueurs, respectivement de la synthèse des protéoglycanes (chondroïtine sulfate 846) et de la synthèse du collagène (procollagène de type 2). S’y ajoutaient les dosages de deux marqueurs synoviaux : l’acide hyaluronique et la COMP (cartilage oligomeric matrix protein). Enfin, un marqueur de dégradation du cartilage, CTX-II a été dosé dans les urines.

Une diminution significative du taux de CTX-II.

À trois mois, si aucun effet sur la synthèse n’a été relevé, une diminution significative du taux urinaire de CTX-II, témoignant d’une baisse de la dégradation du cartilage a été mise en évidence. En analyse multivariée, après ajustement sur les facteurs de confusion (âge, IMC, importance de la dégradation articulaire), il a également été montré qu’il existait une corrélation entre l’amélioration clinique et la réduction des taux de CTX II. De plus, parmi les patients répondeurs (60 % de l’effectif), c’est-à-dire ayant eu une amélioration symptomatique de plus de 50 %, les taux de CTX-II et d’acide hyaluronique étaient significativement supérieurs à ceux des sujets non répondeurs.

Pour Thierry Conrozier, ces résultats révèlent ainsi, pour la première fois, que l’acide hyaluronique agit sur le métabolisme du cartilage en diminuant la dégradation du collagène ; et cet effet apparaît d’autant plus important que les patients ont initialement des marqueurs de remodelage élevés.

« Bien sûr, ces nouvelles données ne permettent pas d’en déduire l’impact clinique de la viscosupplémentation et seuls des essais menés sur de plus gros effectifs de patients, de plus longue durée et couplant l’analyse des biomarqueurs à des données d’imagerie, pourraient permettre de conforter ces résultats », précise-t-il. Il n’empêche que de grands espoirs sont aujourd’hui autorisés dans ce domaine, ce d’autant que la confirmation des effets biologiques de l’acide hyaluronique pourrait peut-être faire basculer le statut de ce produit, de celui de dispositif médical à celui de médicament, avec à la clé les études nécessairement requises.

D’après un entretien avec le Dr Thierry Conrozier, CHU de Lyon.

 Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : Bilan spécialistes