Névralgie pudendale

Une pathologie très mal connue

Publié le 12/05/2011
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LA NÉVRALGIE pudendale est un syndrome douloureux survenant deux fois sur trois chez une femme. Cinq critères (critères de Nantes) ont été reconnus comme indispensables au diagnostic de névralgie pudendale par syndrome canalaire (1).

Le premier critère est la notion de territoire du nerf pudendal qui va de la verge ou du clitoris à l’anus. Si le mode d’entrée de la névralgie pudendale peut-être urologique, gynécologique, colo-proctologique ou rhumatologique, l’élément commun est que la douleur suit le trajet du nerf pudendal. Celui-ci étant bilatéral, la douleur peut être médiane, uni- ou bilatérale.

Deuxième critère, la névralgie pudendale est une douleur positionnelle qui prédomine lors de la station assise et est absente en position couchée. Un contre-test est fourni par le soulagement du sujet lorsqu’il est assis sur la lunette des WC. Ce n’est pas la position assise qui le fait souffrir, mais la pression sur le nerf lorsqu’il est assis.

Autre caractéristique : c’est une douleur qui ne réveille pas la nuit sauf si d’autres signes (douleurs rachidiennes ou musculaires, par exemple) lui sont associés. Des douleurs pudendales nocturnes doivent donc faire rechercher une autre pathologie.

Par ailleurs, cette névralgie ne s’accompagne pas de perte sensitive objective. « Dans ce cas encore, estime le Dr Labat, une perte de la sensibilité doit faire évoquer une autre cause : tumeur au niveau du canal rachidien ou symptôme de la queue-de-cheval… et doit conduire à demander des examens complémentaires. »

Enfin, l’anesthésie du nerf doit faire disparaître la douleur ou au moins la diminuer de 50 % dans la demi-heure qui suit. « Encore faut-il, lors d’une infiltration à visée diagnostique, évaluer la douleur avant et après l’anesthésie par une échelle de douleur (type EVA) et faire asseoir le sujet avant et après le test… ! »

En plus de ces cinq critères fondamentaux, sept critères complémentaires peuvent conforter le diagnostic, mais ne sont pas obligatoirement présents (paresthésies, sensations de corps étranger endocavitaire, aggravation de la douleur au cours de la journée…). D’autres signes peuvent, soit exclure la névralgie pudendale (prurit, douleurs paroxystiques, anomalie d’imagerie…), soit lui être associés sans l’exclure (irradiation fessière, douleur sus-pubienne, pollakiurie et/ou douleurs au remplissage vésical…) (2).

Perte de mobilité du nerf pudendal.

La névralgie pudendale est attribuée au fait qu’en raison d’une perte de mobilité, le nerf est écrasé par les ligaments qui sont autour, en position assise. « Cependant, explique le Dr Labat, de nombreuses inconnues persistent. La perte de mobilité du nerf peut être d’origine compressive en raison de réactions de fibrose, elle peut aussi être due à des variations anatomiques, sources de situations conflictuelles. Comme pour la hernie discale ou le canal carpien, une compression n’entraîne pas forcément une douleur et si les études anatomiques ont montré qu’il existait de nombreuses compressions asymptomatiques du nerf pudendal (20 à 30 % des cas), on estime que moins de 0,1 % de la population sera victime d’une névralgie pudendale ».

Aucune technique ne permet d’explorer fidèlement cette névralgie et l’imagerie ne sert qu’à éliminer d’autres causes éventuelles de compression. L’ENMG (électroneuromyogramme) ou le Doppler peuvent révéler des signes directs ou indirects en faveur d’une souffrance neurologique ou d’une compression, mais ne sont pas corrélés à la douleur. Ces examens manquent de sensibilité (la normalité n’élimine pas le diagnostic) et de spécificité. Ils ne permettent pas d’orienter la prise en charge thérapeutique qui s’appuie sur la clinique.

Des circonstances favorisantes.

Certaines circonstances favorisent l’expression de la névralgie pudendale : le cyclisme par des compressions répétées au niveau du périnée, l’accouchement qui, en étirant les nerfs pudendaux, les fragilise et peut induire une neuropathie périnéale d’étirement dans les mois qui suivent, les professions imposant d’être assis dans un véhicule.

Des situations peuvent aussi déclencher un traumatisme aigu du nerf pudendal : une chute, une intervention chirurgicale. En gynécologie, après chirurgie par voie vaginale pour prolapsus, un hématome peut être à l’origine d’une fibrose et d’une névralgie pudendale ultérieure. En chirurgie orthopédique, un écrasement du périnée sur un billot peut survenir pendant l’intervention. Cependant, cette névralgie s’accompagne généralement d’une perte de sensibilité et récupère vite. Dans la névralgie résultant d’un traumatisme nerveux, la douleur est d’emblée maximale puis régresse. Au contraire, lorsqu’une anomalie préexistante est révélée par la chirurgie ou par une coloscopie, la douleur augmente progressivement après l’intervention.

Prise en charge thérapeutique.

« La névralgie pudendale peut se manifester sous une forme bénigne régressant spontanément. Elle peut aussi être responsable de douleurs sévères et particulièrement invalidantes. Elle n’a cependant pas de retentissement fonctionnel majeur autre que la douleur. L’objectif est donc d’éviter que la douleur ne devienne chronique et la démarche thérapeutique doit procéder par étapes », précise le Dr Labat.

Il est habituel de commencer par les antalgiques classiques, paracétamol et codéine, bien qu’ils soient généralement peu efficaces. Des améliorations ont été constatées avec le tramadol. La morphine n’est efficace qu’à dose très forte pouvant entraîner une dépendance non acceptable pour une douleur bénigne. « Il est donc conseillé de recourir aux traitements de la douleur neuropathique (antiépileptiques, antidépresseurs) tout en sachant que comme pour toute douleur neuropathique, seulement 30 % de patients présenteront une amélioration significative et non associée à des effets secondaires inacceptables. »

La kinésithérapie de relaxation (stretching) des muscles du pelvis, couplée avec un travail sur le rachis, peut être bénéfique car ces patients ont des tensions musculaires au niveau du plancher pelvien et des fesses. « Mais pas de renforcement musculaire qui aggraverait les douleurs. »

L’infiltration d’anesthésiques locaux associée à des corticoïdes est susceptible d’avoir un effet thérapeutique satisfaisant. Les résultats d’une étude comparant : xylocaïne seule/xylocaïne + corticoïdes/xylocaïne + corticoïdes + grand volume de sérum pour décoller les tissus, sont attendus.

Enfin, estime le Dr Labat, « la chirurgie peut être utile, mais elle est loin d’être garantie. Après chirurgie pudendale, on estime que 70 % des patients sont améliorés (1 patient sur 2 : amélioration › 50 % ; 2 patients sur 3 : amélioration › 30 %), que 30 % ne sont pas améliorés du tout et que 4 % s’aggravent. » Même s’il n’existe pas de risque neurologique comme dans la chirurgie sciatique, par exemple, il faut attendre plusieurs mois avant d’être sûr du résultat. La chirurgie ne doit donc être envisagée que lorsque les autres possibilités thérapeutiques ont échoué, au moins un an après le début des douleurs et uniquement si le bloc anesthésique supprime la douleur.

Si aucune de ces possibilités thérapeutiques n’apporte d’amélioration, le patient doit être adressé à un centre anti-douleur, seul à même de prendre en charge les douleurs chroniques (perfusion de kétamine, technique de neurostimulation…)

« Il existe très peu d’équipes spécialisées, aussi il serait souhaitable que tous les spécialistes d’organes et de la douleur approfondissent leur connaissance de cette pathologie et puissent la prendre en charge, conclut le Dr Labat. Cependant, le temps nécessaire pour une consultation de ce type (trois-quarts d’heure à plus d’une heure) est un problème majeur qui doit être pris en compte par les pouvoirs publics. »

D’après un entretien avec le Dr Jean-Jacques Labat, neurologue, responsable du Centre fédératif de pelvi-périnéologie au CHU de Nantes.

(1) Labat JJ et coll. Critères diagnostiques d’une névralgie pudendale (critères de Nantes). Pelv Perineol 2007;2:65-70.

(2) Labat JJ et coll. Symptomatic approach to chronic pudendal pain. Progrès en urologie 2010;20:922-9.

YVONNE ÉVRARD

Source : Bilan spécialistes