Infections sur prothèse articulaire

Une prise en charge multidisciplinaire

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Publié le 08/04/2019
Infection de prothèse totale de genou à staphylocoque doré

Infection de prothèse totale de genou à staphylocoque doré
Crédit photo : DR

1 infections prothèses

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Infection de prothèse totale de genou à staphylocoque doré

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Chaque année, environ 150 000 à 160 000 prothèses de hanche et 80 000 à 90 000 prothèses de genou sont implantées en France. Le taux d'infection est estimé entre 1 et 2 %, un chiffre certes faible, mais qui ne baisse pas malgré les progrès réalisés en matière de prévention (antibioprophylaxie péri-opératoire et asepsie) et de soins. « En cause, entre autres, le vieillissement de la population, l'augmentation de l'obésité, la pose de prothèses chez des sujets de plus en plus âgés, présentant de nombreuses comorbidités ou des facteurs de risque d'infection, tels que diabète ou immunosuppression », souligne le Pr Pascal Bizot.

La plupart de ces infections sont prises en charge localement par le chirurgien qui a opéré le patient, aidé de l'infectiologue présent dans l'établissement. Mais dans les cas les plus complexes (échec d'un premier traitement, difficultés techniques, germe multirésistant), les praticiens ont désormais recours aux Centres de référence des infections ostéo-articulaires complexes (CRIOAC).

Ces centres de référence, dont les premiers ont été labellisés dès 2008, ont une mission de coordination, d'expertise et de recours, mais aussi de formation et de recherche. Ils prennent en charge les infections ostéo-articulaires les plus complexes en lien avec les autres établissements de l'interrégion. « La création de ces centres a été une grande évolution, qui a notamment permis de donner une plus grande visibilité à ces infections et d'améliorer leur prise en charge », estime le Pr Pascal Bizot.

Un traitement médicochirurgical

Le traitement chirurgical et l'antibiothérapie sont les deux piliers de la prise en charge, réalisée par une équipe multidisciplinaire. « Elle comprend au minimum un infectiologue, un microbiologiste et un chirurgien, souvent également un rhumatologue, un pharmacien et un radiologue, pour assurer une décision collégiale », indique le Pr Bizot.

Plusieurs gestes chirurgicaux peuvent être envisagés, le choix se fondant sur de très nombreux paramètres. Le lavage/drainage peut suffire dans des infections récentes. Mais souvent, il est complété par l'ablation de la prothèse et de tous les dispositifs implantés (ostéosynthèse, ciment), en raison de la présence d'un biofilm à la surface des implants. « Il s'agit d'une opération complexe, longue, hémorragique, qui peut être réalisée en un ou deux temps opératoires, rapporte le Pr Bizot. Le remplacement en un temps n'est indiqué que si l'on a la certitude que le nettoyage est complet et que le patient peut supporter une intervention longue ». La chirurgie en deux temps différencie le nettoyage (avec l'ablation de la prothèse), et la repose d'une nouvelle prothèse. Elle permet de faire des prélèvements profonds afin d'identifier formellement le ou les germes en cause, d'apprécier les conditions locales, d'anticiper les difficultés de la repose, et ainsi de choisir le type de la nouvelle prothèse. Un espaceur (ou entretoise) est en général mis en place pour 4 à 6 semaines avant la seconde opération, qui consiste en un nouveau lavage et la pose d'une nouvelle prothèse. Le recours à un ciment acrylique contenant de la gentamicine libérée localement peut être utile. « Le geste en deux temps donne en théorie plus de sécurité sur le plan sceptique, mais il implique deux hospitalisations, deux anesthésies et de l'inconfort pour le patient entre les deux opérations, souligne le Pr Bizot. La tendance actuelle est de privilégier le changement de prothèse en un temps, mais de nombreux paramètres rentrent en compte, liés au patient, aux conditions locales, au type de germe, mais aussi aux convictions du chirurgien ».

Dans certains cas particulièrement complexes, ou après échec de traitements antérieurs, il est indiqué de ne pas remettre en place de prothèse, voire d'amputer le membre prothésé. C'est une chirurgie mutilante, qui peut aboutir à une guérison de l'infection, mais dont les résultats fonctionnels sont bien évidemment limités. Enfin, dans d'autres cas d'infection rebelle, récurrente ou récidivante, seul un traitement médical suppressif est proposé. L'objectif de l'antibiothérapie n'est alors plus de guérir l'infection, mais de la contrôler et d'éviter un choc septique.

De 80 à 90 % de guérison

« Tous les patients ne seront pas guéris, même dans les centres de référence, et les patients doivent en être informés, insiste le Pr Bizot. Nous ne disposons pas d'un registre national très nourri des prothèses, mais les données de la littérature internationale rapportent des taux de guérison compris entre 80 et 90 %, après changement de prothèse, sans différence significative entre le « un temps » et le « deux temps ». L'infection sur prothèse reste une complication grave. La chirurgie, souvent lourde, réclame un opérateur entraîné, et s'accompagne d'une morbidité élevée ».

D'après un entretien avec le Pr Pascal Bizot, hôpital Lariboisière (Paris).  
(1) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_tableau_centres_ioa_1312…

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Bilan Spécialiste