Intervention dans le doigt à ressaut

 Vers un geste moins invasif 

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Publié le 08/04/2019
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Crédit photo : Phanie

« Le doigt à ressaut concerne en général la poulie A1 en regard de la métacarpophalangienne. C'est un problème bien connu de contenu/contenant entre tendons fléchisseurs et système ostéofibreux inextensible dans lequel ils coulissent », rappelle en préambule le Dr Jeremy Maillet, rhumatologue interventionnel à Lariboisière et formateur dans un DU d'échographie interventionnelle à Nantes.

L'épaississement du tendon (nodule) et/ou de la poulie crée un accrochage voire un blocage dynamique du doigt en flexion, car les tendons extenseurs plus fins et moins puissants que les fléchisseurs peinent à débloquer le nodule encastré dans la poulie. En cas de récidives ou de formes évoluées, il n'y avait jusqu'ici aucune alternative à une chirurgie, certes efficace (incision en regard de la poulie pour la sectionner sous contrôle de la vue et libérer le tendon), mais qui impose un passage au bloc opératoire et laisse une petite cicatrice.

« Le grattage de la poulie sur la sensation tactile avait été expérimenté il y a 50 ans avec d'excellents résultats, puis abandonné, les études anatomiques montrant des dilacérations tendineuses », rappelle le Dr Maillet. L'échographie peropératoire a apporté une sécurité.

Du needling à l'écho-chirurgie

La procédure de needling débute par une échographie diagnostique pour confirmer le diagnostic, puis est réalisée une anesthésie locale, voire locorégionale si plusieurs doigts sont à traiter. Une aiguille est ensuite passée plusieurs fois au sein de la poulie sous contrôle échographique. « À l'aide du biseau de l'aiguille, on arrive à dilacérer la poulie, lui redonner de la souplesse et l'étirer sans pour autant la sectionner. On réalise ainsi une plastie d'agrandissement. L'échographie peropératoire sécurise la technique par rapport à un grattage sur sensation tactile. Elle nous permet en continu de bien visualiser la position de l'aiguille par rapport au tendon et au paquet vasculo-nerveux (très latéral). Les études cadavériques ont permis de confirmer l'absence de dilacération de tendon et de lésion vasculaire ou nerveuse », explique le Dr Maillet.

Le geste en lui-même prend 5 à 10 minutes, l'ensemble de la procédure de needling environ 15 minutes en tenant compte de l'installation du patient et du temps de prise de l'anesthésie. À la fin de l'intervention, le doigt encore anesthésié est certes un peu gourd, mais il fonctionne normalement, sans ressaut. Le patient peut utiliser sa main et n'a aucune cicatrice.

Le DES de rhumatologie forme à l'échographie. « Le needling est un geste de niveau 2 par rapport aux infiltrations. Sa pratique nécessite d'être à l'aise avec les infiltrations sous échographie. La courbe d'apprentissage est rapide. Le geste doit actuellement être réalisé dans une salle dédiée à l'interventionnel, car sa durée (10 minutes contre 1 pour une infiltration) et l'utilisation de deux aiguilles augmentent potentiellement le risque septique », insiste le Dr Maillet qui accueille régulièrement à Lariboisière des collègues désirant se former.

L'écho-chirurgie facilitera le geste

La procédure en écho-chirurgie est assez semblable à celle du needling. Elle débute par une échographie diagnostique et une anesthésie locale. Un crochet remplace l'aiguille intramusculaire. Il facilite et raccourcit le geste, lui aussi réalisé sous contrôle échographique peropératoire. « Ce crochet conçu par David Petrover et dont nous utilisons depuis plus d'un an un prototype est en attente de brevet. Il est semblable à celui utilisé pour le canal carpien, mais plus petit. Le crochet est introduit sous la face ventrale de la poulie. Grâce à son bord externe mousse, il nous permet de préserver les structures avoisinantes et en particulier le tendon. En un seul passage grâce à un mouvement de proximal à distal, son bord interne biseauté permet de crocheter et sectionner la poulie, de libérer le tendon et supprimer le ressaut. La structure fibreuse se reconstruira, un peu plus lâche. Le contrôle échographique et la voie d'abord de distal en proximal à partir d'un point de ponction situé dans le pli palmo-digital nous permet de cibler la poulie A1 et de préserver les poulies d'aval. On évite ainsi tout risque d'effet corde malencontreux, lié à une section des poulies A2 ou A3. À la fin du geste, une infiltration de corticoïdes est systématique même s'il n'y a pour l'instant pas d'étude évaluant sa nécessité lors de la section de poulie. L'injection locale de corticoïde nous paraît intéressante pour prévenir une réaction inflammatoire potentiellement douloureuse induite par la section… mais aussi pour potentialiser l'effet du geste par une action anti-inflammatoire sur la tendinopathie. Nous traitons ainsi à la fois la poulie et la ténosynovite », explique le Dr Maillet.

D'après un entretien avec le Dr Jeremy Maillet, rhumatologue interventionnel à Lariboisière et formateur dans un DU d'échographie interventionnelle à Nantes.

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan Spécialiste