Sexophobie

Génophobies, la phobie du zizi sexuel

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Publié le 28/07/2016
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Choses vues et lues
Génophobie, peur du sexe, peur des relations sexuelles, anxiété des rapports sexuels, aversion sexuelle, refus des contacts corporels, y compris un simple toucher de l’épaule, quel que soit son intitulé nosographique, la phobie de la sexualité touche aussi bien l’homme que la femme : le sexe des hommes fait peur aux femmes et le sexe des femmes fait peur aux hommes avec une symptomatologie très variée : nausées, diarrhées, palpitations, colites, céphalées ou migraines, phénomènes d’agressivité, violences, crises d’angoisse, attaques paniques, les symptômes sont aussi divers que les degrés d’intensité.

Dans une ambiance que les sociologues ont l’habitude de décrire comme de plus en plus sexualisée, ces phobies semblent anachroniques. Justement, c’est l’argument développé par un journaliste de la presse féminine, Sophie Fontanel, dans un roman qui a connu un énorme retentissement, L’Envie (Robert Laffont).

« Pendant une longue période, qu’au fond je n’ai à cœur ni de situer dans le temps, ni d’estimer en nombre d’années, explique son auteur, j’ai vécu dans peut-être la pire insubordination de notre époque, qui est l’abstinence de vie sexuelle. » Après une carrière sexuelle débutée à 13 ans, elle se rebelle contre le sexe considéré comme une servitude, un diktat social, elle se libère par l’évitement phobique de la sexualité.

Un autre phénomène s’est manifesté ces dernières années contre la sexualité, regardée comme une activité subversive et perverse. Dans le sillage de mouvements tels que La Manif pour tous, ou le Printemps français, des groupuscules anti-sexe ont ainsi défrayé la chronique lors de l’expo du « Zizi sexuel », présentée en 2014 à la Cité des Sciences de la Villette, avec le populaire personnage de Titeuf et le concours d’un comité scientifique. Cette démarche innovante d’éducation à la sexualité s’est heurtée à un tir de barrage anti-sexe de la part des militants de l’association SOS Éducation, qui a recueilli près de 40 000 signatures pour demander l’interdiction du « Zizi sexuel ».

Paroles de cliniciens

« Les phobiques du sexe ressentent un dégoût et expriment une histoire personnelle qui est toujours compliquée, constate Joëlle Mignot, sexologue et psychothérapeute, directrice du DIU de sexologie de Paris XII-Bobigny, souvent avec des épisodes traumatiques. Les personnes refusent le sexe car elles craignent d’activer des réminiscences douloureuses. Ces processus phobiques se manifestent par l’évitement de tout ce qui s’inscrit dans la sphère sexuelle. »

« Parfois, ce rejet peut être aussi une simple posture opportuniste, relève le Dr Philippe Brenot, psychiatre et anthropologue, directeur de l’enseignement de sexologie de l’Université Paris-Descartes, comme dans le cas de Sophie Fontanel : son livre surfe sur une réalité stable, d’enquête en enquête*, on retrouve un score autour de 18 % des interrogés qui déclarent ne pas avoir d’activité sexuelle. Tous ne sont évidemment pas à classer dans la catégorie des phobiques du sexe. Vous avez des dépressifs, des endocriniens, des psychotiques et autres asociaux qui composent ce groupe très hétérogène. »

Il y a aussi une vieille tradition anti-sexe qui s’appuie sur l’attitude traditionnelle de l’Occident chrétien et la condamnation du péché de chair. Après des siècles de répression, la récente libération des mœurs, à la fin du XXe siècle, avait décrédibilisé ces postures régressives, mais les voilà de retour avec une haine du sexe dénoncé comme subversif et pervers, délétère pour l’équilibre des enfants.

Bien que très minoritaires, des activistes s’en prennent à l’information sexuelle des enfants, qu’ils dénoncent comme s’il s’agissait d’une idéologie. Or, c’est justement par l’éducation qu’on préviendra la phobie du zizi, cette nouvelle maladie qui sévit en France.

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Illustrations tirées de « Sex Story », la première histoire de la sexualité en bande dessinée, aussi sérieuse que facétieuse, racontée par le Dr Philippe Brenot, responsable des enseignements de sexologie à Paris-Descartes et illustrée par Laetitia Coryn (208 p., 24,90 €).

* Voir l’enquête sur les comportements sexuels des Français dirigée en 1970 par Pierre Simon, avec 2 625 personnes interrogées, l’enquête ACSF (20 000 questionnaires) en 1992 et l’étude IPSOS menée par Nathalie Bajost auprès de 12 000 personnes, en 2007.

 

Christian Delahaye

Source : lequotidiendumedecin.fr