Vaincre les préjugés

La vie sexuelle n’a pas d’âge

Publié le 16/11/2010
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LA SEXUALITÉ EST ENCORE l’objet de croyances et de représentations traditionnelles qui ont pour finalité de lui imposer une limite d’âge. Chez les personnes âgées, elle passe en effet souvent pour déplacée, ridicule, dangereuse, voire hors normes. En 1991, la philosophe Judith Butler rapportait, comme des idées couramment répandues, que « les personnes âgées n’ont pas de désir sexuel, elles ne sont pas attirantes physiquement donc pas désirables » et que « le sexe chez les personnes âgées est honteux et pervers ».

La sexualité de la personne âgée renvoie à celle de l’observateur.

Ainsi, la sexualité de la personne âgée renvoie à celle de l’observateur. Elle suppose de s’interroger sur les propres valeurs et représentations du soignant pour éviter de materner ou d’infantiliser les personnes âgées, ce qui constituerait en réalité un moyen de défense (1). Il peut être utile de rappeler souvent que l’homme cherche la performance et la femme la tendresse, ces différences pouvant être source de conflit, voire maltraitance de la partenaire.

Les sources d’obstacle potentielles biologique, sociale, psychologique chez les personnes âgées sont nombreuses (2). Déficit sensoriel et moteur, altération de l’image du corps, repli sur soi, perte d’identité, perte d’autonomie, ralentissement, déficit cognitif, dépression peuvent constituer autant de barrières. Le maintien d’une activité sexuelle dépend ainsi de facteurs physiques, des tabous sociaux, du statut conjugal, des connaissances sur la sexualité et de l’estime de soi du sujet. Le médecin traitant, tout comme le gynécologue pour les femmes ou l’urologue pour les hommes, sont à même d’en parler. En effet, les médecins recensés comme sexologues ne résument pas l’ensemble des praticiens pouvant s’intéresser au sujet, qui peut aussi concerner les endocrinologues, les psychiatres et les gériatres (3).

Des conseils toujours nécessaires.

Des conseils médicaux peuvent être utiles chez les personnes âgées, y compris très âgées, comme le soulignait un travail qui a porté sur des sujets de 58 à 94 ans (4).

Le patient doit ainsi comprendre que la sexualité évolue au fil du temps, de l’enfance à la vieillesse. Chez les personnes âgées, elle n’est donc pas que la continuation de la sexualité de l’adulte. Son expression doit être possible, sans toutefois constituer une obligation.

La transmission de germes et virus lors de rapports sexuels reste possible à tout âge. Le port de préservatif reste utile en cas de pénétration pour empêcher la propagation du virus du sida, chaque fois que l’un au moins des deux partenaires n’est pas certain de la fidélité du couple. Il en est de même pour la vaccination contre l’hépatite B, et ce quels que soient les types de rapport.

Les germes responsables d’infections urinaires ou de vulvo-vaginite et de mycoses et parasites peuvent continuer de se transmettre quel que soit l’âge. Outre le conseil d’une hygiène locale avant et après les rapports, les traitements désinfectants simultanés des deux partenaires peuvent être indiqués.

Les effets d’un traitement hormonal substitutif de la ménopause peuvent être directs ou indirects. Ils améliorent l’apparence physique de la femme et accroissent sa confiance en elle et sa séduction. Les estrogènes favorisent la lubrification vaginale et la sécrétion de Vasoactive Intestinal Peptide (VIP), qui contribue à l’excitation.

Chez l’homme, la baisse de l’intérêt sexuel avec l’âge peut s’expliquer par une insuffisance de testostérone. Celle-ci peut être contrebalancée par des mesures d’hygiène de vie comme la diminution de la consommation de boissons alcoolisées et la reprise d’une activité physique. La dysfonction érectile, enfin, doit être considérée comme un symptôme sentinelle de maladie cardiovasculaire et du syndrome métabolique. Sa mise en évidence impose la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire. Un traitement par iPDE5 (inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5) sera le plus souvent proposé en première intention (5).

D’après un entretien avec le Pr François Piette (service de médecine interne, hôpital Charles-Foix, Ivry)

Références

(1) Ribes G, Abras-Leyral K, Gaucher J. Le couple vieillissant et l’intimité. Gérontologie et société 2007; No 122.

(2) Bortz WM I, Wallace DH. Physical fitnes, aging, and sexuality. West J Med 1999 ; 170 : 167-169 ?

(3) Piette F, Weill-Engerer S. Le guide santé des seniors. Odile Jacob Ed. Paris, 2003.

(4) Bortz WM 2nd, Wallace DH, Wiley D. Sexual function in 1,202 aging males: differentiating aspects. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 1999 ; 54 (5) : M237-41.

(5) Cour F, et coll. Recommandations aux médecins généralistes pour la prise en charge de première intention de la dysfonction érectile. Prog Urol 2005 ; 15(6) : 1011-20.

Dr GÉRARD BOZET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8856