Débat sur l’assistance sexuelle

Malgré l’avis défavorable du CCNE, les associations persistent

Publié le 14/03/2013
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L’AVIS DU COMITÉ consultatif national d’éthique fait suite à une saisine adressée à la fin de l’année 2011 par Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, sur le problème de la sexualité des personnes en situation de handicap. Les questions de la ministre étaient précises tout comme la demande formulée par les associations.

Les conclusions du comité le sont tout autant : « En matière de sexualité des personnes handicapée, le CCNE ne peut discerner quelque devoir et obligation de la part de la collectivité ou des individus en dehors de la facilitation des rencontres et de la vie sociale, facilitation bien détaillée dans la loi qui s’applique à tous ». Et de poursuivre : « Il semble difficile d’admettre que l’aide sexuelle relève d’un droit-créance assuré comme une obligation de la part de la société et qu’elle dépende d’autres initiatives qu’individuelles ».

La mise « en acte du corps et de l’intimité d’un assistant sexuel ne peut en aucun cas être une obligation qui lui serait, de quelque façon que ce soit, imposée », affirme le CCNE.

Proxénétisme et prostitution

Si les associations récusent l’assimilation de ce type de prestations à la prostitution, le CCNE précise : « Il n’en reste pas moins que la reconnaissance d’une assistance sexuelle professionnalisée, reconnue et rémunérée, nécessiterait un aménagement de la législation prohibant le proxénétisme. La seule mise en relation de la personne handicapée et de l’aidant sexuel peut effectivement être assimilée à du proxénétisme » qui, rappelle le CCNE, dans le code pénal figure dans la section intitulée « Les atteintes à la dignité humaine ». Et de souligner : « Si une chose est interdite pour tout le monde, pour des raisons éthiques, il semble difficile d’envisager qu’elle soit autorisée dans le cadre d’initiatives individuelles et seulement au profit de certaines personnes ». Le CCNE indique par ailleurs que certains pays, ce sont des prostitué(e)s qui remplissent parfois la fonction d’aidants sexuels.

Concernant la notion de « droit à la sexualité », le CCNE indique que « s’il existe de fait des droits liés à la sexualité (droit à la contraception, droit à la sexualité sans grossesse non désirée), pour autant on ne peut en déduire que la situation sexuelle spécifique des personnes handicapées doit être "indemnisée" par l’État ». Néanmoins le CCNE reconnaît qu’il est important de prendre en compte la demande des associations « même si c’est une question dérangeante car intéressant un domaine considéré comme relevant de la vie intime et privée ».

Déception des associations.

Du côté des associations, c’est la déception. « Nous sommes déçus. L’avis du CCNE ne tient pas compte de nos arguments. C’est un avis assez moralisateur et ce n’est pas vraiment ce que nous attendions », explique au « Quotidien » Julia Tabath, la vice-présidente de l’association CH(S)OSE. Selon elle, « faciliter la rencontre ne suffit pas. Les pays où existe une assistance sexuelle sont plutôt des pays ouverts avec une bonne accessibilité pour les personnes handicapées. Cela veut dire qu’il faut autre chose que la rencontre et le lien. Il faut permettre à la personne en situation de handicap d’avoir pleinement accès à son corps et à la maîtrise de son corps. C’est une des principales fonctions de l’assistance sexuelle ».

L’avis défavorable du CCNE intervient alors que le gouvernement ne semble pas décider à ouvrir le débat sur la question. Au cours de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande interrogé par le mensuel de l’association des paralysés de France (APF), « Faire-Face » avait répondu à la question sur la création de services d’accompagnement sexuel : « C’est un débat difficile... Nous devons mener ce débat, regarder ce qui se passe dans d’autres pays, sans préjugés ». L’heure n’est visiblement pas venue. En réponse à leur demande, le président de la République vient de répondre, par l’intermédiaire de son cabinet l’avoir transmis au ministre de la Santé. « Nous allons continuer à faire entendre nos arguments et à solliciter le gouvernement », a indiqué la vice-présidente de CH(S)OSE.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9226