L’État serait « premier responsable » du scandale du chlordécone aux Antilles, selon les premiers éléments du rapport de la commission d’enquête parlementaire révélés par « Le Monde ».
Le chlordécone a été autorisé contre le charançon jusqu'en 1990 en France, et 1993 pour la protection des plants de bananes dans les Antilles, malgré son interdiction aux États-Unis depuis 1975, et son classement « peut-être cancérogène pour l'homme » (groupe 2B) par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
Lors des auditions d'experts par la commission d'enquête présidée par Serge Letchimy, député de la 3e circonscription de la Martinique, les scientifiques ont rappelé que les terrains pollués par le chlordécone resteront inutilisables pour un grand nombre de cultures pendant plusieurs centaines d'années. « L'état a fait subir des risques inconsidérés, au vu des connaissances scientifiques de l'époque, aux populations et aux territoires de Guadeloupe et de Martinique », pointe le rapport cité par « Le Monde ».
Multiples alertes
« Entre 1975 et 1992, de multiples alertes auraient dû conduire les autorités réglementaires à réexaminer l'autorisation donnée pour l'utilisation du chlordécone. Dans les faits, elles ont été largement ignorées », relève la commission. Une première demande d'autorisation de commercialisation du chlordécone s'était heurtée à une opposition du comité d'étude des produits antiparasitaires à usage agricole. En 1971, le même comité révise sa classification des composés organochlorés et autorise le Kepone (nom commercial du pesticide contenant du chlordécone).
La réaction tardive et insuffisante des pouvoirs publics face à la crise du chlordécone a également reçu plusieurs banderilles. « Seulement 9 000 hectares, sur les 45 000 contaminés, ont été analysés en 40 ans », s'était insurgé Serge Letchimy lors des auditions.
Biopersistance dans les sols
Les représentants de Santé publique France avaient été, quant à eux, interpellés sur le décalage entre l'interdiction du chlordécone, en 1993, et le premier plan chlordécone, en 2008. Mounia El Yamani, de la Direction santé environnement et travail, de SPF avait expliqué que le problème de biopersistance du chlordécone dans les sols « était scientifiquement connu » à l'époque.
Dès 1977, le rapport Snegaroff mené par l’INRA, avait signalé l’accumulation de résidus de chlordécone dans les sols des plantations de bananiers de Basse-Terre. En 1980, le rapport Kermarrec constate une accumulation importante dans les tissus des espèces animales vivant dans des eaux contaminées.
Lors d'un déplacement dans les Antilles en juillet dernier, le président de la République Emmanuel Macron avait reconnu un « scandale environnemental », et estimé que l'État devra « prendre sa part de responsabilité ».
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