Infections urinaires à répétition

Comment E. Coli colonise l’intestin et la vessie

Publié le 13/05/2013
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TANDIS QUE L’INTESTIN héberge une vaste population de bactéries, la vessie et les voies urinaires sont normalement stériles, protégées contre l’invasion microbienne par des barrières physiques et biologiques.

Cependant, la moitié des femmes développent au moins une infection urinaire au cours de leur vie, causée en majeure partie par des souches uropathogènes d’Escherichia coli. Certaines de ces femmes (jusqu’à 25 %) souffrent d’une infection urinaire à répétition (au moins 2 épisodes en 6 mois), parfois pendant plusieurs années en dépit du traitement. L’origine exacte de ces infections à répétition demeure incertaine.

On pense généralement que les souches uropathogènes d’E. coli migrent de l’intestin a la zone périurétrale, et remontent éventuellement dans l’urètre vers la vessie. Des études chez la souris suggèrent que ces souches E. coli peuvent envahir l’épithélium de la vessie pour former des communautés bactériennes intracellulaires protégées (des antibiotiques et des réponses immunes) qui contribuent aux infections urinaires à répétition. Celles-ci pourraient être dues aussi à une migration répétée des souches E. coli de l’intestin vers la vessie. On supposait que ces souches, une fois établies dans la vessie et donc spécialisées, perdaient leur aptitude à survivre dans l’intestin (migration unidirectionnelle).

Une étude de Jeffrey Gordon (Université de Washington a St Louis) et coll., publiée dans la revue « Science Translational Medicine », offre une vue plus complexe.

Deux modèles différents.

Ces chercheurs ont caractérisé les génomes de 45 souches E. coli isolées dans les selles et l’urine de 4 femmes qui présentaient 3 épisodes successifs d’infection urinaire.

Deux modèles de colonisation très différents ont été trouvés. Chez deux femmes, la même souche dominante était isolée à la fois dans l’urine et les selles au cours d’un épisode et durant les épisodes successifs d’infections urinaires.

Chez les deux autres femmes, la souche E. coli présente dans l’urine et les selles au cours de l’épisode initial était remplacée par une souche différente lors du troisième épisode. Cette « nouvelle » souche, analysée dans des modèles murins, présentait une meilleure aptitude à proliférer dans la vessie et l’intestin comparée à la souche dominante des précédents épisodes infectieux.

Ainsi donc, les infections urinaires a répétition peuvent être causées non seulement par des souches qui envahissent le tissu vésical, mais aussi par des souches qui circulent librement entre la vessie et l’intestin sans perte de leur aptitude à coloniser l’un ou l’autre de ces habitats.

Ces résultats, selon les chercheurs, justifient des études supplémentaires chez des femmes de différents âges, génotypes et mode de vie afin de mieux comprendre la pathogénèse des infections urinaires à répétition et de développer des traitements plus efficaces.

Les résultats pourraient influencer les normes de soins dans le futur et aider à définir de nouvelles approches thérapeutiques, reposant sur des antibiotiques existants ou sur des composés de prochaine génération agissant sur de nouvelles cibles.

« Science Translational Medicine », 8 mai 2013, Chen et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9241