Le bilan vasculaire pré-transplantation

L'urologue aux commandes

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Publié le 19/05/2016
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Le bilan prétransplantation chez le receveur comporte toujours un bilan cardiovasculaire pour évaluer en particulier la capacité du cœur à s'adapter aux modifications hémodynamiques entraînées par le greffon.

Le bilan vasculaire apprécié par l'urologue évalue l'état des vaisseaux et surtout des artères pour savoir où positionner le greffon. La présence de plaques d'athérome concentriques fait courir le risque de difficulté de clampage voire lors de celui-ci de casser ces plaques et d'envoyer des emboles, ce qui impose parfois de faire au préalable une endartériectomie. Une dégradation importante du lit vasculaire amène parfois à contre-indiquer temporairement la greffe et à discuter l'indication d'un pontage du ou des vaisseaux lésés pour ultérieurement anastomoser le greffon sur le pontage.

Le premier examen est l'écho-Doppler artériel à la recherche d'une sténose, d'une modification du flux ; il sera complété chez les patients de plus de 60 ans ou avec des facteurs de risque cardiovasculaires par un scanner abdominopelvien sans injection qui objective en 3D les calcifications et les plaques d’athérome. Rarement, lorsque les axes vasculaires ne sont plus utilisables, on peut envisager une transplantation orthotopique, où le rein du receveur est retiré et celui du donneur greffé à sa place si la vascularisation rénale est meilleure que celle des iliaques. « Le bilan vasculaire doit être fait par un urologue de l'équipe de transplantation qui est le plus à même de juger des potentielles difficultés techniques et pourra demander des examens ou des avis spécialisés complémentaires », insiste le Pr Kleinclauss. Le bilan est réactualisé assez régulièrement en fonction du terrain.

En cas de rein provenant d'un donneur décédé, les donneurs étant de plus en plus âgés, l'état vasculaire du greffon n'est pas toujours optimal. Généralement au moment de la mort encéphalique on pratique un scanner corps entier qui permet aussi de voir les plaques d'athérome, mais ce n'est vraiment qu'une fois le prélèvement effectué qu'on peut vraiment explorer les artères rénales du donneur et savoir comment pourra être menée la transplantation (avec ou sans patch aortique). Si l'artère est entièrement envahie par l'athérome et si l’anastomose est à haut risque de sténose, il faut parfois savoir prendre la décision de ne pas le transplanter.

Angioscanner pour évaluer la morphologie et le nombre des artères

Le donneur vivant est habituellement en bon état général et l'exploration des axes vasculaires ne cherche pas tant les plaques d'athérome que la morphologie et le nombre des artères rénales afin de choisir le côté le plus simple à prélever et à greffer. Environ 20 à 30 % des reins n'ont pas une vascularisation modale – une artère et une veine uniques — mais 2, 3 artères voire plus. Or plus elles sont nombreuses plus elles sont petites et plus le risque de thrombose est grand. Il faut anticiper avant le prélèvement la technique qui sera utilisée pour reconstruire ces artères et les greffer en toute sécurité.

L'exploration se fait essentiellement par l'angioscanner, le scanner multibarrettes étant nettement plus sensible que l'angio-IRM. L'artériographie classique sélective a sa place dans certains cas, par exemple pour connaître la quantité de territoire vascularisée par chaque artère puisqu’il n'existe pas de suppléance artérielle, la vascularisation rénale étant de type terminal.

La reconstruction et l’anastomose des artères multiples de petit calibre sont parfois difficiles et font appel à des techniques de microchirurgie. Le risque de ces reconstructions sur artères de petite taille est la thrombose de l’anastomose parfois extensive qui peut compromettre l’ensemble de la vascularisation du greffon.

« Il faut savoir être raisonnable et ne pas se risquer dans une greffe hasardeuse sur le plan technique, attitude intolérable aussi bien vis-à-vis du donneur qui a fait le geste de donner son rein que pour le receveur, qui risque l’immunisation contre les antigènes HLA après une première greffe et devient donc plus difficile à greffer une 2e fois », conclut le Pr Kleinclauss.

D'après un entretien avec le Pr François Kleinclauss, CHRU Besançon, responsable du Comité de transplantation de l’Association française d’urologie.

Dr Maïa Bovard-Gouffrant

Source : Bilan Spécialiste