Onco-urologie

Vers une prise en charge personnalisée du patient jeune

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Publié le 05/09/2018
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cancer et génétique

cancer et génétique
Crédit photo : Phanie

Sujet phare des 10e journées d’onco-urologie médicale (JOUM, les 22 et 23 juin), la prise en charge des cancers urologiques chez le patient jeune concerne principalement les tumeurs le plus fréquemment retrouvées que sont les cancers du rein, de la prostate et de la vessie. Quant à la définition du patient jeune, il ne s’agit pas uniquement d’âge physiologique : « Il faut prendre en compte une dimension sociale permettant d’intégrer le patient dans son environnement », explique le Pr Marc-Olivier Timsit, urologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou (HEGP).

Efficacité et environnement social

« Le premier objectif, chez ces patients, insiste le Pr Timsit, est de rechercher un résultat oncologique maximal, c’est-à-dire, pour un patient jeune, de mettre en place un traitement qui fonctionne dans le temps. Le patient jeune est celui qui doit avoir le traitement radical afin de lui garantir une survie sans récidive la plus longue possible. »

Cependant, cet objectif principal va devoir se combiner avec des objectifs fonctionnels fondamentaux, par exemple une durée d’hospitalisation courte : « On cherche un impact minimal sur les activités professionnelles comme sur les activités sportives. Cela a un vrai retentissement sur la qualité de vie. La fertilité ou la sexualité sont aussi à prendre en compte au premier plan. Tous ces critères sont à intégrer dans notre démarche de prise en charge globale et dans le type de traitement que l’on va proposer. » Chez le patient jeune de 40 à 50 ans, les discriminations vécues en raison de la pathologie sont plus fréquentes que chez les sujets plus âgés. Dans la vie active et sociale, l’annonce du cancer est un problème, par exemple pour la contraction d’un emprunt immobilier… La médecine personnalisée intègre donc aussi la dimension sociale : « Il s’agit bien sûr de trouver le traitement le plus adapté au niveau moléculaire, mais aussi de le personnaliser en fonction de l’environnement du patient (vie professionnelle, sociale, projet de vie…). »

Recours à l’oncogénétique

Seulement de 1 à 3 % des cancers du rein sont diagnostiqués avant 45 ans. Leur apparition peut être le fruit du hasard, liée à certains facteurs environnementaux ou à des gènes de prédisposition, mais, précise le Pr Timsit, « un cancer survenu chez un patient jeune est probablement plus l’effet d’une mutation que du hasard. En effet, par rapport aux sujets âgés, les jeunes ont eu moins de mitoses, et l’impact des facteurs environnementaux est moindre. On recherche donc systématiquement des gènes de prédisposition ». Un séquençage complet de leur exome est réalisé pour essayer de trouver des mutations connues ou recueillir des informations permettant de découvrir de nouvelles mutations à l’origine de cancers. Cela se traduit par une explosion du nombre de consultations d’oncogénétique, qui sont passées de 15 000 par an en 2003-2004 à près de 60 000 en 2015. Si moins de 1 % des cancers seulement sont d’origine génétique et héréditaire, la recherche des mutations somatiques (non transmissibles) survenues au niveau de la tumeur aide à comprendre les mécanismes de tumorigenèse et à trouver des traitements adaptés. « Avec les patients jeunes, on a un vrai potentiel de recherche clinique », affirme le spécialiste. Par exemple, la mutation du gène dans la maladie de von Hippel Lindau (VHL), mettant la cellule en situation artificielle d’hypoxie et provoquant la sécrétion de VEGF, a permis de découvrir les antiangiogéniques (anti-VEGF) utilisés notamment dans les cancers du rein à cellules claires.

Vers une évolution des recommandations

« On s’est beaucoup intéressé ces dix dernières années aux sujets âgés, et de nombreux progrès ont été faits en oncogériatrie. Des techniques mini-invasives se sont développées qui risquent d’être moins efficaces et donc moins adaptées aux objectifs de prise en charge du sujet jeune. » Cependant, ces techniques se sont perfectionnées. Dans le cancer de la prostate, les résultats obtenus avec les ultrasons focalisés et par la chirurgie robotique deviennent comparables. « On revoit actuellement nos paradigmes pour les sujets jeunes. Si aujourd’hui on suit principalement les recommandations, certains patients souhaitent cependant en sortir. » En effet, un patient phobique de l’opération chirurgicale peut demander une radiofréquence. Les recommandations devraient d’ailleurs évoluer sur les traitements focaux du cancer de la prostate, qui pourraient être proposés à certains patients jeunes.

D’après l’intervention du Pr Marc-Olivier Timsit, urologue à l’HEGP, coordonnateur des JOUM et responsable du comité de transplantation et d’insuffisance rénale aiguë de l’AFU, lors de la conférence de presse de l’Association française d’urologie (21 juin 2018).

Karelle Goutorbe

Source : Le Quotidien du médecin: 9682