JABD 2022

Des liens étroits entre goût, odorat et alimentation

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Publié le 14/02/2022
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Crédit photo : Rawpixel /adobe stock

La pandémie de Covid-19 a mis en exergue les liens étroits entre goût, odorat et comportements alimentaires. Alors qu’objectivement, les troubles les plus fréquents concernaient l’odorat, de nombreux patients ont rapporté des sensations de perte ou de modification du goût. Ces deux sens et les sensations trigéminales étant liés par une forte interaction sensorielle (la flaveur), les troubles de l’odorat peuvent en effet donner l’impression d’une perte de goût, alors même que le virus SARS-CoV-2 impacte essentiellement l’olfaction. Un constat qui confirme que le goût au sens large est largement porté par l’odorat. « Si on prend comme exemple une pomme, elle contient un nombre très important et une grande diversité chimique de molécules, illustre le chercheur Loïc Briand (Centre des sciences du goût et de l’alimentation, Dijon). Parmi celles-ci, on trouve les sucres et les acides qui stimulent les papilles. C’est le goût au sens strict. Mais la pomme renferme aussi de nombreuses molécules volatiles (ou arômes) libérées en bouche lors de la mastication, qui activent le nez, en passant par l’arrière de la gorge. Intervient alors le sens de l’odorat, qui joue un rôle primordial dans la perception des aliments. C’est la détection chimique de l’ensemble de ces composés qui constitue le goût complexe des aliments. »

86 % des patients sous chimiothérapie impactés

Au-delà du Covid, la meilleure compréhension de ces liens pourrait avoir un intérêt pour « contourner » la modification d’appétit de certains malades. Une équipe de recherche s’est notamment penchée sur les patients cancéreux sous chimiothérapie. « Cette thérapie systémique engendre des effets secondaires connus dont des troubles sensoriels qui peuvent influencer sensiblement le comportement alimentaire du patient et son rapport à l’alimentation », souligne Kenza Drareni (centre de recherche de l’Institut Paul-Bocuse, Ecully). Alors que les troubles du goût et de l’odorat affecteraient 86 % des patients sous chimiothérapie, la chercheuse a effectué une revue de la littérature qui souligne une importante variabilité inter­individuelle entre les patients. « Certains facteurs potentiellement à l’origine de cette hétérogénéité ont été mis en avant, notamment l’âge, le sexe, le patrimoine génétique (type et nombre de récepteurs olfactifs/gustatifs) et la sensibilité propre à chacun », rapporte la chercheuse.

Une étude subjective a ensuite mis en évidence une corrélation entre la sévérité des altérations sensorielles ressenties et les problèmes liés à la perception des aliments. Un autre travail a permis de conforter la relation entre les capacités olfactives de patients sous chimiothérapie et certaines pratiques alimentaires en montrant que ceux souffrant d’anosmie étaient aussi les plus enclins à utiliser des condiments, « suggérant une stratégie de palliation des problèmes de perception des aliments dans le but d’améliorer l’expérience alimentaire ». Une approche interventionnelle (avec différents assaisonnements d’un même plat) a enfin permis de montrer que contrairement au groupe contrôle, les patients appréciaient significativement plus les aliments enrichis en certaines saveurs ou arômes.

« Ce résultat confirme les différences de perception entre les individus sains et les patients sous chimiothérapie, et l’effet potentiel des altérations sensorielles sur le plaisir de manger, résume Kenza Drareni. Et l’ajout de plus de condiments chez les patients hyposmiques met l’accent sur l’implication de ce sens peu étudié chez les patients sous chimiothérapie dans l’expérience alimentaire. »


Source : lequotidiendumedecin.fr