La chondrocalcinose, ou plus exactement le rhumatisme à dépôt de cristaux de pyrophosphate de calcium (PPCa), a eu les honneurs d’une plénière du dernier congrès français de rhumatologie.
Cette pathologie serait, en fait, bien plus fréquente qu’on ne le pense. L’épidémiologie en ambulatoire est mal connue mais, chez les malades hospitalisés, les crises sont au moins aussi fréquentes que les crises de goutte. Elles augmentent avec l’âge – des cristaux de PPCa sont présents chez 20 à 30 % des plus de 70 ans – mais peuvent aussi survenir plus précocement, favorisées par une hyperparathyroïdie primitive, une hémochromatose, une hypomagnésémie. Toute la difficulté vient de ce que les formes aiguës aussi bien que chroniques peuvent mimer de nombreuses pathologies.
Une clinique trompeuse
Classiquement l’arthrite aiguë, très douloureuse, touche poignets, genoux, chevilles et, au niveau vertébral, la jonction C1/C2. Mais elle peut aussi revêtir des formes trompeuses, à type de torticolis très inflammatoire ou de crises de pseudo-goutte très brutale. Idéalement, elle est à confirmer par la mise en évidence de cristaux dans le liquide articulaire.
« Les formes chroniques de polyarthrite persistante ou d’accès aigus récurrents sont encore plus difficiles à diagnostiquer et à traiter alors que leur impact sur la qualité de vie est majeur », insiste le Pr Tristan Pascart (Lille). Elles peuvent se manifester comme une pseudo-polyarthrite rhizomélique, une polyarthrite rhumatoïde immuno-négative, une spondylodiscite, une arthrose de topographie inhabituelle avec réaction inflammatoire majeure (mais il existe des recoupements entre l’arthrose et la chondrocalcinose).
Le bilan biologique recherche un syndrome inflammatoire, une cause secondaire et plus généralement tout ce qui élimine une autre pathologie. L’imagerie est essentielle. La radiologie standard et l’échographie portent sur les articulations symptomatiques mais aussi sur les articulations des genoux, des poignets et des mains (2e et 3e métacarpophalangiennes, scaphotrapézotrapézoïdienne, radiocarpienne). L’atteinte C1/C2 a un aspect typique de « dent couronnée ». Un scanner standard peut compléter le bilan.
Crise aiguë : colchicine ou prednisone ?
Contrairement à la goutte, aucun médicament ne permet de dissoudre les cristaux de PPCa, et l’objectif du traitement de crise se limite à la lutte contre la douleur et l’inflammation. Aucune étude n’avait jusqu’ici permis de trancher entre colchicine et prednisone. L’étude française Colchicort est la première à apporter une réponse. Elle a comparé la colchicine (1,5 mg le 1er jour, puis 1 mg le 2e) à la prednisone à 30 mg pendant 2 jours chez 112 patients âgés de 87 ans en moyenne. L’impact sur la douleur et l’évolution est très significative et similaire avec les deux traitements mais les effets indésirables sont plus nombreux sous colchicine, avec en particulier 21 % de diarrhées potentiellement délétères chez des sujets fragiles, la prednisone entraînant 11 % de poussées hypertensives et 5,5 % d’hyperglycémie chez des patients dont 75 % étaient hypertendus et 25 % diabétiques. « On privilégiera donc la prednisone, sauf en cas d’HTA ou de diabète non contrôlés ou de contexte infectieux », conclut le Dr Etienne Dahan (Strasbourg).
En ce qui concerne les formes chroniques, on a quelques données positives sur la colchicine au long cours en 1re ligne, le méthotrexate en 2e ligne, et les anti-IL-1 et anti-IL-6 en 3e ligne, mais, en pratique, tout est hors AMM.
Des recherches sont aussi en cours pour s’interroger sur une éventuelle association de la chondrocalcinose à un surrisque cardiovasculaire.
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