Étude rétractée sur les décès de l’hydroxychloroquine : la Société de pharmacologie alerte sur un « risque majeur pour tous les chercheurs »

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Publié le 06/09/2024

Après la rétraction d’une publication sur la mortalité de l’hydroxychloroquine lors du Covid, la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT), dont certains membres sont auteurs de l’étude, s’inquiète des conséquences d’une décision prise « clairement en dehors du processus scientifique habituel ».

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Malgré son absence de fondement scientifique, le discours favorable à l’hydroxychloroquine (HCQ) dans la prise en charge du Covid semble continuer à produire des effets néfastes. La Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT) analyse en effet la rétractation d’une étude évaluant la mortalité associée à l’HCQ dans le Covid comme le résultat de pressions exercées sur l’éditeur.

En février 2024, une étude publiée dans Biomedicine & Pharmacotherapy estimait que l’utilisation de l’HCQ dans la prise en charge du Covid avait entraîné 17 000 décès dans six pays (Belgique, France, Turquie, États-Unis, Italie et Espagne). Dès la publication, les auteurs, dont certains sont membres de la SFPT, ont subi une campagne de dénigrement et de harcèlement sur les réseaux sociaux, mais aussi via leur messagerie professionnelle. À l’époque, la société savante avait appelé, en vain, à une réaction des autorités et du Conseil national de l’Ordre des médecins.

Nouvel épisode en août dernier : l’éditeur indique avoir reçu de nombreuses lettres à la suite de cette publication. Si la première approche envisagée était de publier ces courriers, accompagnés des réponses des auteurs, comme le veut le processus de publication scientifique, la décision a finalement été de rétracter l’étude.

Deux arguments ont été avancés : « 1, des problèmes dans la fiabilité et le choix des données. L’ensemble des données belges, en particulier, a été jugé peu fiable, car basé sur des estimations. 2, l’hypothèse selon laquelle tous les patients pris en charge recevaient le même traitement pharmacologique était erronée », est-il détaillé.

Cette rétraction ne répond pas au standard de la communication scientifique, dénonce la SFPT. « Les auteurs vont apporter une réponse aux critiques formulées par l’éditeur, notamment sur les données belges, qui sont de source publique et sont référencées dans l’étude », indique au Quotidien le Pr Dominique Deplanque, président de la société savante.

Aucune fraude n’est constatée

Surtout, « comme le souligne l’éditeur, aucune fraude n’est constatée, la notice va d’ailleurs être rapidement mise à jour pour le mentionner, insiste-t-il. Il est bien sûr possible, comme pour toute publication scientifique, de discuter de certaines hypothèses, de certains choix, de certains calculs, mais en aucune façon, il ne s’agit d’une fraude qui justifierait une rétractation ».

Dans un communiqué, la SFPT souligne que « les raisons et motivations sous-jacentes [à la rétractation] demeurent assez obscures et s'inscrivent clairement en dehors du processus scientifique habituel ». La société savante s’inquiète d’un « risque majeur pour tous les chercheurs », alors qu’un des principaux éléments opposés aux auteurs est un article publié dans Archives of Microbiology & Immunology, « avec comme premier auteur Xavier Azalbert », une figure de la désinformation sur le Covid, précise le Pr Deplanque.

Il ressort par ailleurs des échanges entre la revue et l’auteur principal de l’étude qu’un « effet de masse » de contestations « pas toujours rédigées par des scientifiques spécialistes des médicaments », a participé à la rétractation, rapporte le président de la SFPT. « Si, effectivement, la rétractation a été réalisée sous la pression, c’est inquiétant pour l’avenir de la publication scientifique en général. Ce serait sans doute une première dans le monde médical », juge-t-il.

La SFPT a déjà adressé un courrier à l’éditeur pour lui faire part de sa « surprise », en « espérant que sa décision soit fondée sur des arguments scientifiques », indique son président. « Nous sommes évidemment en accord avec le fait qu’on puisse contester, discuter, débattre, mais c’est aux spécialistes de mener ce travail via les revues scientifiques », ajoute-t-il.

Le Pr Raoult épinglé de nouveau

L'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) et la Fondation Méditerranée Infection ont signalé à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) une nouvelle publication du controversé Pr Didier Raoult, selon une information publiée par Le Point et confirmée par l’AFP.

En cause ? Une étude co-signée par le Pr Raoult, ex-patron de l'IHU de Marseille, et un de ses anciens proches collaborateurs, Philippe Brouqui, qui prétend une nouvelle fois démontrer l’efficacité de l'hydroxychloroquine dans la prise en charge du Covid. Publié en août 2024 dans Acta Scientific Microbiology, ce travail porte sur les données de 1 276 patients traités à l'IHU, dont certains avec la molécule promue par le Pr Raoult.

Dans leur courrier, l'AP-HM et la Fondation Méditerranée Infection, qui chapeaute l'IHU, « signalent » et se « désolidarisent » de cet article dont la méthodologie repose sur « l'utilisation de données de patients et de recherches non autorisées », précise l'AP-HM.

Selon l'établissement, ce signalement a été décidé dans une « logique de retour à la normale » à l'IHU depuis le départ du Pr Raoult, aujourd'hui à la retraite. L'ANSM avait saisi la justice en novembre 2023 après la publication d'une autre étude « sauvage », menée sans les autorisations nécessaires et co-signée par le Pr Raoult.

Avec AFP


Source : lequotidiendumedecin.fr