Appel des rhumatologues face à la pénurie de corticoïdes

Des mesures nécessaires contre les ruptures de stocks et le retrait de spécialités

Publié le 27/06/2019
corticoïdes

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Crédit photo : Phanie

Comme de nombreuses spécialités, les rhumatologues font régulièrement face à des pénuries de médicaments indispensables à leur pratique. Cette fois, il s'agit des corticoïdes quelles que soient leurs modalités d'administration alors que ces médicaments font partie des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM).

Des ruptures de stock alarmantes

La situation actuelle est grave car on est confronté à la fois à des tensions d'approvisionnement des corticoïdes oraux (prednisone et prednisolone) et des ruptures de stock de bêtaméthasone (Diprostène et Célestène Chronodose, laboratoire MSD), corticoïdes injectables en suspension. La rupture de stock initialement prévue jusqu'à la mi-mai est maintenant étendue jusqu'au début de l'année 2020. Pour l'instant, les autorités de santé étudient la possibilité de procédure rapide de remise en route des chaînes de production, voire l'importation de pays frontaliers mais rien de concret ne semble décidé à ce jour.

Les corticoïdes par voie orale sont pris au long cours dans un certain nombre de maladies inflammatoires chroniques lorsqu'elles ne sont pas contrôlées par des traitements de fond. Ils sont également très utiles en cures courtes pour soulager certaines affections rhumatologiques aiguës (névralgie cervicobrachiale, sciatique…). De surcroît, ils ne peuvent être interrompus brutalement sans mettre en jeu la sécurité des malades, dû au risque d'insuffisance rénale aiguë. Les formes injectables de corticoïdes sont nécessaires dans le traitement de pathologies articulaires ou péri-articulaires ayant un fort retentissement sur la qualité de vie, avec un impact sociétal parfois majeur en termes de handicap. Elles permettent souvent d'éviter l'utilisation des anti-inflammatoires non-stéroïdiens, plus iatrogènes, notamment chez les patients âgés, conformément à l'ensemble des recommandations.

Contre le retrait programmé du Kenacort

Il est particulièrement choquant dans ce contexte d'apprendre le retrait programmé de l'acétonide de triamcinolone (Kenacort Retard, laboratoire BMS). Après le retrait récent du cortivazol (Altim, laboratoire Sanofi), cette décision va encore réduire les alternatives thérapeutiques et accroître la pression sur les corticoïdes injectables restant disponibles, avec dans cette spirale un risque de disparition de cette classe de médicaments.

Les représentants de la rhumatologie demandent aux autorités de santé de bloquer le retrait programmé au 31 juillet 2019 du Kenacort et de mettre en œuvre sans délai des mesures fortes qui permettraient de réduire les pénuries et les retraits de médicaments matures pour l'ensemble des spécialités médicales : plus de flexibilité réglementaire, plus de collaboration avec le LEEM et plus d'obligations pour l'ensemble des industriels, comme la constitution de stocks minimaux obligatoires. Il faudrait aussi peut-être revoir les prix des produits, qui peuvent par exemple démarrer à 2 euros pour les injectables (packaging, produit, seringue et aiguilles inclus !). Cette démarche doit nécessairement impliquer les conseils nationaux professionnels et les associations de malades, particulièrement à même de définir les enjeux de santé.

Présidente et vice-président du Conseil national de rhumatologie.

Pr Aleth Perdriger et Dr Éric Senbel

Source : lequotidiendumedecin.fr