« L’objectif n’est pas de faire diminuer le nombre de naissance d’enfants atteints de trisomie 21 mais de donner aux femmes enceintes une information la plus fiable possible sur le niveau de risque qu’encoure leur fœtus ». C’est par ces mots que le Dr Olivier Scemama (Adjoint du chef de service Évaluation économique et santé publique de la HAS) a résumé la philosophie des nouvelles recommandations de la Haute Autorité de santé sur le dépistage prénatal de la trisomie 21.
Rendue publique mercredi, la nouvelle feuille de route précise la place des tests sur l’ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage. Baptisés tests ADNIcT21, ces tests permettent d’identifier la trisomie en recherchant une surreprésentation des copies du chromosome 21 dans le sang maternel. Dans un premier travail publié en 2015, la HAS avait déjà validé leur performance. Désormais, elle définit la population cible la plus à même d’en bénéficier.
Deuxième ligne
Après analyse de la littérature et modélisation de différents scénarios, la HAS recommande qu’un test ADNIcT21 soit proposé systématiquement en 2e ligne, lorsque le dépistage par dosage des marqueurs sériques (dans l’idéal dépistage combiné du 1er trimestre) indique un risque de trisomie 21 fœtale compris entre 1/1000 et 1/51. Si le risque est supérieur ou égal à 1/50, « la possibilité de réalisation d’un caryotype fœtal d’emblée » doit être proposée, un test sur l’ADN circulant pouvant cependant être réalisé si la femme le préfère. Le caryotype fœtal doit être également proposé d’emblée en cas de clarté nucale ≥ 3,5 mm ou d’autres signes d’appel échographiques, afin de ne pas ignorer d’autres anomalies chromosomiques. Dans tous les cas un test positif sur l’ADN libre circulant doit être confirmé par un caryotype fœtal. Ainsi ces tests, ne suppriment pas, mais complètent le dépistage classique.
Des milliers d’amniocentèses évitées
Par rapport au dépistage classique, cette stratégie offre l’avantage de dépister un plus grand nombre de trisomies, tout en évitant des milliers d’amniocentèses inutiles. « Cela devrait éviter environ 11 000 caryotypes par an » chiffre le Dr Scemama. Une méta-analyse de la HAS sur les performances des tests sur l’ADN libre circulant indique un taux de détection > 99 % et un taux de faux positifs < 1 %. Les proposer à partir d’un seuil de risque de 1/1000, plutôt que de 1/250 (seuil actuellement retenu pour proposer le caryotype), permet de diagnostiquer 80 Trisomies 21 supplémentaires et de réduire le nombre de faux négatifs de 85, pour un coût supplémentaire de 17,5 millions €. Diminuer le nombre de gestes invasifs est important pour réduire le risque de perte fœtale et éviter une source majeure de stress. Selon les données le plus récentes, en France, le taux de fausses couches secondaires à un examen pour caryotype fœtal s’élèverait à 0,1 %, « soit dix fois moins que ce que l’on pensait il y a 10 ans » précise le Pr Agnès Buzyn (Présidente du Collège de la HAS).
En contrepartie on ne peut ignorer l’anxiété que va générer l’introduction d’un test supplémentaire pour un grand nombre de couples. En effet, 11 % des femmes enceintes ont un risque estimé > 1 à l‘issue du dépistage classique. Par rapport au seuil de 1/250, cela fait passer de 16 000 à 58 000, selon le modèle de la HAS, le nombre de femmes à qui un test ADN sera proposé. Ainsi, « on accroît de manière nette la population concernée » souligne Catherine Rumeau-Pichon (Adjoint du directeur de service Évaluation économique et santé publique de la HAS).
L’accompagnement des couples revêt une importance capitale dans ce contexte et la HAS insiste sur l’importance de présenter toutes les étapes possibles du dépistage dès la première consultation, qui doit être suffisamment longue, ce qui « pose à nouveau et avec plus d’acuité la question de sa juste valorisation financière ». Elle souligne également la nécessité de respecter les différents temps de rendu des tests, afin que les femmes puissent choisir de poursuivre ou non la procédure de dépistage. « Le droit de ne pas vouloir savoir doit également être respecté ».
Les généralistes sont intéressés au premier chef, puisqu’ils peuvent prescrire ces examens et ont été à l’origine, en 2013, de 30 % des actes de dépistage prénatal.
En attendant le remboursement
Il faut maintenant attendre que ces tests soient inscrits à la nomenclature pour qu’ils puissent être remboursés et entrer dans la pratique courante. Des discussions sont en cours entre les laboratoires et l’Uncam et un décret paru le 5 mai a déjà inscrit ces tests dans la liste des examens de dépistage. Un arrêté est encore nécessaire pour modifier la stratégie de dépistage. « Je ne peux pas donner d’échéance mais tous les acteurs sont conscients de l’exigence de rapidité sur ce sujet » indique le Pr Buzyn.
Deux grands laboratoires privés réalisent déjà ces tests, non remboursés, et certains hôpitaux les proposent à leurs patientes comme à l’AP-HP qui vient d’annoncer l’ouverture d’une plate-forme de séquençage à haut débit, à l’hôpital Cochin, afin de proposer, gratuitement, un dépistage des trisomies 21, 13 et 18 aux femmes ayant des marqueurs élevés.
En 2014, 688 671 femmes ont recouru en France au dépistage prénatal de la trisomie 21, dont 27 982 (4,1 %) avaient un risque estimé ≥ 1/250. Parmi elles, 15 216 ont réalisé un caryotype fœtal aboutissant au diagnostic de trisomie 21 chez 727 fœtus (données de l’Agence de biomédecine).
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