60 % des praticiens « bien-être » ont déjà quitté Doctolib, le collectif No Fakemed opposé à la réglementation réclamée par les naturopathes

Par
Publié le 19/01/2023

Crédit photo : PHANIE

Trois mois après le grand ménage mené par Doctolib, près de 60 % des naturopathes, hypnothérapeutes ou autres sophrologues ont déjà décidé de se déréférencer sans attendre la résiliation automatique de leur contrat - au terme du délai légal de six mois -, annonce la plateforme au « Quotidien ». Ce sont ainsi plus de 3 000 praticiens « bien-être » exerçant des professions non réglementées qui ne proposent plus de rendez-vous en ligne.

En octobre dernier, face aux polémiques, le géant du rendez-vous médical en ligne avait, en effet, annoncé exclure 5 700 abonnés de la plateforme et qui ne disposaient pas de numéro Adeli ou RPPS. Ainsi les quelque 2 700 hypnothérapeutes, 1 500 sophrologues, 800 naturopathes et 500 psychanalystes inscrits sur Doctolib avaient vocation à être exclus. Une décision « déontologique » et « éthique » selon la licorne tricolore.

Une baisse de 32 % du chiffre d'affaires

Mais pour le syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN), ce renvoi a été vécu comme « une douche froide » par les praticiens. La semaine dernière, le SPN a souhaité faire savoir que les naturopathes souffraient « terriblement de l'amalgame avec les charlatans pointés du doigt ».

En perdant en visibilité sur Doctolib, les naturopathes ont d'ailleurs vu leurs revenus dégringoler. « On estime à près de 32 % la perte de chiffres d’affaires pour certains », regrette le SNP, qui se présente comme « le seul » représentant de la profession.

Réglementer la profession ?

Mais le syndicat reconnaît que la naturopathie peut prêter le flanc à des dérives :  « il y a du ménage à faire, c’est évident », a réagi sa présidente Alexandra Attalauziti. C'est pourquoi il appelle l’exécutif à réglementer davantage la profession, afin que le « consommateur » soit en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie.

« Les professionnels, qui utilisent un discours clivant avec la médecine et qui sous couvert de remèdes naturels mettent la vie de leurs clients en danger, continuent à exercer en toute impunité », regrette ainsi le SNP, pour qui « l'obtention de titres certifiés par l'État » serait un « premier pas tangible pour réglementer le métier » de naturopathe.

Aussi, en écrémant dans ses rangs, Alexandra Attalauziti souhaite que « la naturopathie soit reconnue comme une pratique de la prévention, complémentaire à notre médecine ».

« Il n’y a pas de bon ou de mauvais charlatans »

Hors de question de répondre aux « caprices » des naturopathes pour le collectif No Fakemed, selon qui « il n’y a pas de bon ou de mauvais charlatans ». Après avoir félicité Doctolib pour sa décision, l’association de professionnels de santé engagés contre les « fake médecines » rappelle que « si les naturopathes ne peuvent plus proposer de rendez-vous pour des prises en charge inutiles et illusoires, ce sont les patients et la santé publique qui en seront les premiers soulagés ».

Face à des naturopathes qui prétendent disposer - de manière « frauduleuse ou par ignorance » - de compétences médicales, réglementer la profession et renforcer les formations n’y changera rien. « Au contraire, en persuadant un nombre croissant de stagiaires qu’ils étaient aptes à prendre en charge la santé des patients, les formations (à la naturopathie) retirent tout doute et toute prudence aux pseudo-thérapeutes », alerte l’association.

Dans son dernier rapport publié en novembre, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) avait également alerté sur les dangers liés à la naturopathie. En 2021, un naturopathe qui se présentait comme « médecin moléculaire », malgré son absence de diplôme médical, avait été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour exercice illégal de la médecine, après le décès de deux patients souffrant de cancer. Le praticien avait fait appel.


Source : lequotidiendumedecin.fr