En mars 2020, « on a fait en quelques jours ce que l’État a mis des semaines à mettre en place », a lancé, un brin provocateur, Guillaume Rozier, auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat, dans le cadre de la mission d'information sur « l'adéquation du passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie de Covid-19 ». Le data scientist, fondateur du célèbre site CovidTracker, a surtout profité de cette tribune pour plaider l'importance du libre accès aux données sur l’épidémie.
Dès la fin du mois de février 2020, quelques semaines avant le premier confinement, Guillaume Rozier s’était, le premier, plongé dans les chiffres de l’épidémie. « Je voulais comprendre l’évolution du virus en France, mais je ne trouvais aucune réponse dans les communications de l’État », raconte-t-il. Graphiques d’évolution des cas, taux d'incidence, hospitalisations : il crée CovidTracker, puis plus tard VaccinTracker pour suivre la campagne de vaccination. « Le succès nous a complètement dépassés, nous avons désormais des millions de visiteurs tous les mois sur le site », constate Guillaume Rozier.
Référence dans l'open data mais…
Si, petit à petit, les autorités scientifiques et ministérielles ont finalement publié en open data de nombreuses données sur l’épidémie, « c’était loin d’être une évidence au début », rappelle le fondateur de CovidTracker qui enfonce le clou : « Nous avons dû beaucoup insister pour rendre ces données publiques ».
Par exemple, ce n’est qu’en mai 2020 que Santé publique France rend accessibles à tous les données de contaminations, d’hospitalisations et de décès. Des bases ouvertes, enrichies par l’avancée de la campagne vaccinale, puis, à l’été 2021, par le statut vaccinal des personnes hospitalisées, publié chaque semaine par la Drees.
Aujourd'hui, le fondateur de CovidTracker se félicite que la France soit, au bout du compte, « devenue une des références sur l’open data pour le Covid ». Mais il plaide pour que « toutes les données soient publiées de manière libre et gratuite, en toute transparence, pour que les citoyens puissent les analyser. C’est regrettable qu’encore aujourd’hui des administrations ne souhaitent pas les publier par défaut ».
L'Éducation nationale à la traîne
Également interrogé par les sénateurs, Nicolas Berrod, journaliste au « Parisien », voit l’open data comme un outil de régulation politique. « Ces données publiques nous permettent de confronter la stratégie du gouvernement avec ce qu’on lit réellement dans les chiffres », a-t-il expliqué.
Dans ce contexte, l’analyse libre des données de santé est d’autant plus salutaire que « certaines personnes font davantage confiance à ce que nous postons sur les réseaux sociaux, par exemple, qu’aux autorités sanitaires », a souligné Germain Forestier, professeur en sciences informatiques à Mulhouse, qui a mis au point un programme automatique de visualisation des données. « Nous avons un capital confiance important, c’est quelque chose que je n’avais pas anticipé », a confié l'informaticien.
Reste que l’accès aux données de santé est encore loin d’être évident ; et les data scientists eux-mêmes peinent encore à obtenir des chiffres complets et facilement analysables. « Par exemple, nous n’avons toujours pas accès à la part de symptomatiques et d’asymptomatiques dans les cas positifs », explique Nicolas Berrod. « Il n’y a pas d’informations en libre accès sur le taux de réinfection non plus », ajoute Germain Forestier. Comorbidités des patients hospitalisés, couverture en rappel des entrées à l’hôpital ou encore durée de séjour des patients positifs au Covid manquent aussi à l’appel.
Tous s’accordent enfin sur le manque de transparence… du ministère de l’Éducation nationale. « Nous n’avons que des données parcellaires sur le nombre de classes fermées, les cas positifs parmi les élèves ou le personnel, et les mises à jour sont très peu fréquentes », a regretté Guillaume Rozier. « Nous n’avions eu le taux d’incidence par niveau scolaire qu’en avril 2021, a confirmé Germain Forestier. C’était très frustrant. »
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