Doctolib a-t-il failli dans ses contrôles des professionnels référencés sur sa plateforme ? La polémique enfle depuis une semaine et la profession demande des comptes et des gages. Le leader de la prise de rendez-vous médicaux en ligne, licorne tricolore, a d'abord été accusé par des médecins et des patients d'avoir référencé des professionnels non réglementés comme des naturopathes dont certains aux pratiques controversées voire dangereuses.
Exercice illégal
Ce matin, deuxième salve, France Inter a révélé qu'une enquête a été ouverte en juillet par le parquet de Montpellier pour « exercice illégal de la médecine » à l'encontre de deux personnes s'étant fait passer pour des pédopsychiatres sur la plateforme. La plainte est venue d'une mère qui avait consulté par le biais du site pour obtenir une ordonnance de médicaments pour ses deux enfants atteints d'un trouble de l'attention (TDAH).
Saisi également par cette mère de famille, l'Ordre des médecins de l'Hérault a aussi porté plainte contre les deux faux pédopsychiatres. « Nous avons été choqués par l'absence de contrôle préalable des praticiens par Doctolib, alors que la procédure de vérification des informations est facile et rapide, confie ce vendredi au « Quotidien » le Dr Philippe Cathala, président de l'instance ordinale départementale. Pourtant, cette vérification est possible en consultant le site de l'Ordre ou en appelant les instances départementales ».
« Secouer le cocotier »
Dans cette affaire, l'Ordre départemental n'a pas déposé de plainte directe contre la plateforme pour défaut de vérification. « C'est un épisode isolé en ce qui concerne cette société qui a pignon sur rue. Mais elle doit renforcer ses procédures de vérification ». Le président de l'Ordre départemental dit vouloir « secouer le cocotier ». « Sur les autres secteurs d'activité où Doctolib a accès aux données confidentielles des patients, j'espère que leur verrou est plus solide que pour les prises de rendez-vous », met-il en garde.
Contactée aussi par « Le Quotidien », la plateforme s'emploie à calmer le jeu. Elle fait valoir que des mesures immédiates ont été mises en place ces derniers jours pour renforcer ses procédures de vérification. Concernant, les praticiens exerçant des activités de bien-être non réglementées, outre la suspension de 17 profils litigieux, « une première mise à jour de la page d’accueil du site a été effectuée, en mentionnant de manière explicite qu’ils ne sont pas des professionnels de santé ».
Et pour les professionnels de santé réglementés, elle a décidé de supprimer le délai de 15 jours, accordé jusqu'ici aux médecins avant la validation du droit d'exercice. « C'était une demande des médecins pour avoir un délai de temps pour justifier leur droit dans certains cas, affirme Arthur Thirion, directeur général de Doctolib. Mais aujourd'hui, c'est fini. Aucun praticien ne pourra utiliser Doctolib avant que la vérification du droit d'exercer soit effective, au risque que certains praticiens ne puissent utiliser notre service alors qu'ils sont dans leur bon droit ». La plateforme rappelle aussi que, depuis sa création, sur près de 250 000 praticiens référencés, elle a été victime « de quatre cas de fraudes ». « Grâce aux outils de Doctolib, j'espère qu'on va pouvoir aller vers le zéro fraude », se défend Arthur Thirion.
Site à part ?
Ces décisions ne semblent pas suffire aux yeux des représentants des médecins libéraux. L'UFML-Syndicat rappelle avoir déjà interpellé les pouvoirs publics sur ces risques. « En 2018 puis 2019, on avait tiré le signal d'alarme, commente le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML. Depuis le début, on a toujours dit qu'il ne doit avoir sur cette plateforme que des professionnels de santé référencés. En tout cas, Doctolib ne contrôle rien ». Même son de cloche au SML. « Doctolib est une entreprise qui a une croissance exponentielle, analyse son président, le Dr Philippe Vermesch. Elle est à la recherche de marchés supplémentaires. Mais il ne faut pas prendre n'importe qui et elle doit renforcer les contrôles pour éviter les fraudes ». Le stomatologue du Var se dit carrément partisan « d'un site à part pour les professionnels de santé réglementés ». « Les patients doivent avoir une information éclairée sur les personnes référencées par la plateforme », plaide-t-il.
Au-delà, la CSMF a demandé à l'Etat de « clarifier les pratiques de certains professionnels qui relèvent parfois du charlatanisme ». La centrale demande aussi au ministre de la Santé, en lien avec les Ordres concernés et les syndicats, de « réglementer l'accès aux médecines alternatives et d'en interdire toute publicité ».
Pour la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France, « Doctolib doit assumer ses responsabilités. Il ne faut pas mélanger les professionnels de santé réglementés avec n'importe qui dans le site ». Mais pour la généraliste parisienne, « l'État doit dire aussi ce qui relève du soin et ce qui relève de pratiques ésotériques non fondées scientifiquement »
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