Dépêché sur place par Médecin sans frontière (MSF) quelques jours avant que le pays et plus particulièrement Bangui ne devienne le théâtre d’affrontements sanglants entre communautés, Laurent Singa était présent lors de la journée fatidique du 5 décembre 2013. Celle qui a vu l’assaut donné sur Bangui pas les miliciens chrétiens « anti-balaka » et qui a été suivie par une riposte meurtrière des forces de la Seleka, coalition de partis et de rebelles à forte proportion musulmane qui ont porté au pouvoir le désormais ex-président Michel Djotodia. En 3 jours, plus d’un millier de personnes sont tuées.
« Le premier jour, des hommes armés sont venus et ont emmené pour les tuer les personnels de l’hôpital de l’Amitié de Bangui », raconte L. Singa. Dès lors, tout va très vite et les massacres s’intensifient à une vitesse effrayante. Face à l’afflux soudain de blessés graves, l’équipe chirurgicale de MSF pare au plus pressé au sein de l’Hôpital communautaire de Bangui, mais manque rapidement de sang : « Les trois premiers jours, le service de transfusion était inexistant. J’ai perdu mes deux premiers patients pour cette raison », se souvient L. Singa qui explique que des dons spontanés de la part de proches ont évité que la situation n’empire. Mais la tension ne retombe pas et les violences perdurent.
Un nombre de cas graves hors du commun
Arrivé à peine quelques jours après le début de « la bataille de Bangui », Jean-Louis Mary constate qu’il « n’a jamais été confronté à une telle violence dans un climat d’insécurité aussi stressant ». Déjà associé au Dr Singa sur d’autres missions de MSF, cet infirmier anesthésiste aguerri a pourtant déjà officié sur des terrains d’affrontements aussi difficiles que le Tchad, le Kivu ou encore la Bosnie. Aujourd’hui, il avoue n’avoir « jamais vu ça en termes d’intensité et de gravité des blessures. J’étais vraiment choqué ». Le Dr Singa parle à son tour « d’une volonté évidente et marquée de cruauté » responsable « d’un taux de mortalité élevé lié à la gravité extrême des blessures ».
Ils doivent bientôt prodiguer des soins à un rythme effréné. « J’ai dû réaliser 250 anesthésies sur une centaine de blessés », raconte J.-L. Mary. De son côté, Laurent Singa se rappelle avoir « opéré à peu près 340 victimes en deux mois sur un total de 588 victimes traités par l’ensemble des équipes présentes au sein de l’hôpital ». Au-delà du nombre, en moyenne 13 blessés par balles ou par machette par jour, en grande majorité des hommes, c’est surtout selon eux la gravité des cas qui est exceptionnelle. Alors que dans des situations similaires, le taux de blessés devant aller d’urgence au bloc (les « cas rouges ») se situe aux alentour de 20 %, il grimpe à 40 % à Bangui.
Une insécurité permanente
Vivant et travaillant au rythme de la reprise subite des violences, « tous les 2 ou 3 jours, après que l’une des communautés a décidé de venger les exactions commises par l’autre », l’équipe de MSF a également dû opérer dans un climat d’insécurité maximal. « Nous devions nous rendre au moins une fois tous les 2 jours dans la pièce sécurisée et tout faire dans l’urgence absolue : opérer vite, réveiller vite les patients, etc. », déplore J.-L. Mary.
Soumis au couvre-feu, tout le personnel doit également quitter l’hôpital à 18 heures. Pour J.-L. Mary, « c’est extrêmement stressant de devoir laisser des patients seuls en salle de réveil, sans surveillance pendant 12 heures, en ne sachant pas dans quel état nous allons les retrouver le lendemain ». Une situation irrémédiable qui, pour L. Singa, a « certainement contribué à augmenter encore un peu plus le taux de mortalité de nos patients ».
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